Passeport : et ils vécurent heureux… après l’OFPRA
- Publication le
Passeport de Alexis Michalik
Tarifs : 12 à 60 euros selon la place.
THEATRE DE LA RENAISSANCE
20, Bd Saint-Martin
75010 Paris
Au Théâtre de la Renaissance, à Paris, Alexis Michalik nous livre Passeport, une pièce vive qui suit le parcours d’Issa, jeune Érythréen, retrouvé dans la « jungle » de Calais, tabassé, recueilli par une bénévole d’une association d’aide aux migrants et conduit à l’hôpital où il perd la mémoire. S’ensuit alors la longue quête pour l’obtention d’un titre de séjour, depuis le camp où il y trouve l’aide de deux compagnons d’infortune, jusqu’à son « intégration », en passant par les petits boulots en cuisine et les démarches administratives. On rit, on s’émeut, on s’attache aux personnes de cette « success story » taillée pour réchauffer les cœurs face à la triste réalité de la vie des migrants en Europe.
La pièce assume son moteur : les bons sentiments. On se découvre, on se pardonne, on se prend par la main, on rit pour ne pas pleurer. Les obstacles sont personnels, intérieurs, jamais véritablement politiques. Le parcours d’Issa, autour duquel tout gravite, n’est vu qu’à travers ce que les autres projettent sur lui. Des dangers traversés, de l’attente interminable, de ses compagnons d’exil on ne saura presque rien. La migration n’est pas abordée comme un rapport de force entre ceux qui ferment les frontières et ceux qui les franchissent pour survivre, elle est une succession d’épreuves individuelles qu’on surmonte avec de la volonté et un peu de chance.
Pourtant, il y a un moment où le texte mord, tente de pulvériser les fantasmes du grand remplacement et de l’assistanat par quelques chiffres officiels. C’est bref, et l’on est replongé dans un conte de fée pour adultes où « les pauvres n’ont que l’espoir » pour moteur, lui-même alimenté par la solidarité. Celle, rugueuse, née de la nécessité.
Passeport réduit la migration à une épopée personnelle et, si les histoires individuelles sont belles à entendre, elles n’expliquent rien des causes profondes. « Ce n’est pas un théâtre militant ou documentaire, mais une histoire humaine, qui s’adresse à tous », explique Alexis Michalik. Mais le théâtre est fait pour rêver et émouvoir. Pour abolir les barbelés il faudra autre chose ! Rythmé, drôle, bien interpellé, Passeport se regarde avec plaisir.
Nora Debst