dimanche 30 avril 2023

KBS


                REPORTAGE A  GUINGAMP DE 

            LA TELEVISION PUBLIQUE COREENNE KBS.

SUR LA MOBILISATION CONTRE LA RETRAITE A 64 ANS. 


com

 

Communiqué de presse du NPA. Comité Nathalie LE MEL Côtes d'Armor

Rafle xénophobe à Mayotte : décasons Macron et Darmanin !


L’opération Wuambushu de Darmanin a commencé. Déjà préparée depuis des mois, avec le déplacement de plus de 500 gendarmes, policiers (GIGN, Raid et autres CRS). L’objectif du gouvernement : expulser en un temps record 24 000 immigrés de Mayotte. Et pour cela, raser des bidonvilles entiers, et des habitations comme celles de Longoni ce jeudi matin. Tout cela se fera par la violence d’État, à l’instar des CRS-8 qui ont utilisé 650 grenades et tiré à balles réelles à Tsoundzou face aux habitants.

La même compagnie CRS-8 qui réprime les manifestants rennais contre la réforme des retraites, mais qui se comporte encore plus violemment à Mayotte, comme un corps expéditionnaire colonial. En effet, si Mayotte est devenue un département en 2009, dans les faits les règles n’y sont pas les mêmes qu’en métropole. Le droit du sol a par exemple été atténué en 2019.

L’île est devenue un territoire français suite au référendum de 1974, qui avait permis à l’impérialisme français de conserver un pied de plus au large de l’Afrique, en se cachant derrière la volonté d’une majorité des Mahorais de rester français. Mayotte est restée une colonie, séparée du reste de l’archipel. L’État français se moque des aspirations des Mahorais, ce qui l’intéresse c’est de pouvoir déployer ses flottes de guerre, gérer sa zone économique exclusive (ZEE) et mettre la main sur de potentiels gisements de pétrole off-shore.

Les déclarations et les surenchères des politiciens locaux, à commencer par les députés Mansour Kamardine et Estelle Youssouffa, sont d’autant plus choquantes qu’elles visent à obtenir l’adhésion d’une part des Mahorais au projet d’expulsion massive des sans-papiers en misant sur le ras-le-bol des violences commises par les bandes qui se développent sur le terreau de la misère. Mais même avec plus de gendarmes, plus de CRS, à quoi cela aboutira ? Les populations raflées, dont l’immense majorité n’a rien à voir avec les différents trafics, ne seront pas nécessairement renvoyées aux Comores (le gouvernement comorien a annoncé refuser de futures extraditions), et même si c’était le cas, elles reviendront, chassées par la misère, au risque de leur vie sur des embarcations de fortune. Les bidonvilles détruits se reconstruiront, ailleurs ou au même endroit. C’est à la misère qu’il faut s’attaquer et cela ne peut se faire qu’à l’échelle de l’ensemble de l’archipel des Comores.

Macron et Darmanin ne déclenchent pas l’opération Wuambushu au hasard. Toutes les semaines sur l’île, les expulsions sont fréquentes, mais ils choisissent de lancer leur offensive au moment où ils cherchent à enterrer la contestation contre leur réforme des retraites. C’est une grossière tentative de diversion pour diviser les travailleurs et désigner les immigrés comme des boucs émissaires, alors que la colère gronde contre Macron, ce président des patrons.
Mais le gouvernement peut reculer, comme il l’a fait en repoussant sa loi immigration. Contre les entreprises de division, refusons les frontières qui taillent dans la chair des peuples. Refusons l’opération militaire qui vise à garantir leur ordre colonial à grands coups de « décasages ». Opposons-leur l’unité internationale des travailleurs. C’est ce que nous défendrons le 29 avril, et le 1er mai, journée internationale de lutte des travailleurs.

Communiqué du 30 avril 2023

samedi 29 avril 2023

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jeudi 27 avril 2023

mayotte

 

MANIFESTATIONS LE 29 AVRIL. Rafle xénophobe à Mayotte : décasons Darmanin et Macron !

Au prétexte de lutter contre la « délinquance » à Mayotte, Darmanin a lancé une vaste opération anti-migrants dénommée « Wuambushu », qui signifie « reprise » en mahorais. Les moyens déployés pour cette opération sont démesurés : plus d’un demi-millier de gendarmes et de policiers en renfort des 1 350 déjà sur place, des membres du GIGN, des Éris (leur équivalent pour les prisons), huit magistrats… Un véritable corps expéditionnaire envoyé sur l’île !

Sur place, syndicats et collectifs promettent de documenter et signaler toutes les violations de droits dont ils seront témoins. Et ces craintes sont légitimes puisque, pour atteindre les 25 000 expulsions qui ont lieu en moyenne chaque année, les droits les plus élémentaires sont déjà piétinés : des expulsions sont réalisées le jour même où l’OQTF est notifiée, des mineurs sont rattachés de façon fictive à des majeurs, ou leur âge majoré pour pouvoir les expulser, tandis que des expulsions de parents laissent aussi à Mayotte de nombreux mineurs isolés. Pour ces milliers d’enfants livrés à eux-mêmes, la délinquance dont parle le gouvernement correspond à la lutte pour la survie. L’opération Wuambushu ne fera qu’aggraver cette situation dramatique.

Si le gouvernement, relayé par les politiciens locaux, accuse les migrants de tous les maux dont souffre l’île, c’est pour mieux se défausser de sa propre responsabilité. En déversant sa xénophobie, Darmanin veut diviser Mahorais et Comoriens. Rien de nouveau, pour garder un pied dans la région, l’État français a détaché Mayotte des autres îles des Comores devenues indépendantes en 1974. En 1995, les ordonnances Balladur ont imposé des restrictions de circulation dans un archipel qui a toujours été en lien. Depuis l’instauration de cette frontière artificielle, des milliers de Comoriens meurent chaque année dans la traversée.

Il s’agit cette fois d’expulser plus de 20 000 personnes en deux mois, soit 300 par jour… Plusieurs centres de rétention doivent ouvrir, car les 150 places de celui de Pamandzi seront insuffisantes. Cette rafle d’envergure s’accompagnera de la destruction de bidonvilles, à coup de bulldozers. Pour la préparer, il est prévu de couper l’eau aux habitants quelques jours avant son déclenchement. Darmanin promet que les habitants qui ne sont pas expulsables – mais néanmoins expulsés ! – seront relogés, une promesse qui n’a jamais été tenue dans le passé. Mahorais ou non, les habitants de ces quartiers de fortune, parfois installés là depuis plusieurs décennies, s’apprêtent donc à payer le prix fort de cette opération, sur une île gangrenée par la misère.

En effet, qu’ils aient la nationalité française ou non, 80 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; 40 % de la population vit avec moins de 160 euros par mois. Les infrastructures, notamment médicales, sont insuffisantes, le réseau d’eau est régulièrement coupé… D’après le Défenseur des droits : « Les droits fondamentaux – le droit à l’éducation, à la sûreté, à la santé, le droit à vivre dans des conditions décentes, notamment – y sont gravement entravés du fait de la carence des services publics. » Les « décasages » prévus par Darmanin sont avant tout une opération anti-pauvres et pourraient être la goutte de trop, dans ce territoire officiellement français, où les conditions de vie sont indignes. Premier revers pour le gouvernement, prompt à bafouer ses propres lois : le tribunal judiciaire de Mamoudzou a suspendu l’expulsion du bidonville Talus 2 près de Mamoudzou.

Norbert Moravcik, 25 avril 2023

CGT

 


RER


 

samedi 22 avril 2023

poulet

Tout augmente, surtout le poulet !

Ils font désormais partie du paysage dans les manifestations et au moindre rassemblement : CRS, gendarmes mobiles, Brav-M, BAC et autres Compagnies d’intervention de la Police nationale… Différentes variétés d’une même espèce qui prolifèrent sur les trottoirs et jusque dans les champs, que les médias appellent les « forces de l’ordre ». Car si on se perd dans leurs sigles compliqués, leur rôle est simple : défendre l’ordre social, celui des patrons qui veulent nous exploiter jusqu’à 64 ans.

La carotte démocratique puis le bâton télescopique

Au début du mouvement contre la réforme des retraites, ils se faisaient discrets. Les quelques manifestants affiliés au syndicat d’extrême droite Alliance Police nationale se planquaient dans les cortèges de la CFE-CGC. Remontés contre le recul de l’âge de la retraite (c’est que donner des coups de matraque, ça use…), ces étranges syndicalistes étaient mal à l’aise dans des manifs, eux qui sont plutôt habitués à les réprimer pour le compte de leur supérieur hiérarchique mais néanmoins ami : le ministre de l’Intérieur. D’ailleurs ils se sont vite lassés des manifs… ou plutôt des cortèges, car ils sont toujours là, mais de l’autre côté !

Lors des premières manifestations en janvier jusqu’à celles de mars, les CRS et les gendarmes mobiles1 se faisaient discrets. Pas sûr que le schéma national du maintien de l’ordre, révisé fin 2021, corresponde à une nouvelle « doctrine ». Disons plutôt que la tactique avait un peu changé, notamment à Paris. La préfecture a peut-être privilégié le dialogue avec les organisations syndicales en éloignant les flics des cortèges, plus en retrait dans les rues adjacentes pour limiter les tensions. Les causes sont multiples2, mais le résultat est clair : de janvier à mars, la plupart des manifestations sont restées calmes.

Il y avait, entre autres calculs, celui du gouvernement comptant sur les institutions politiques, d’éventuelles illusions dans le jeu parlementaire et une tactique syndicale des grèves séquencées pour canaliser la contestation, en espérant qu’elle s’essouffle. Ce n’était pas le moment de jeter de l’huile sur le feu. Politiciens de gauche et leaders syndicaux n’alertaient-ils pas Macron, sur « une situation qui pourrait devenir explosive »3 pour justifier leur rôle d’intermédiaires entre l’État et la rue, pour organiser et « encadrer » les manifestations, comme le disent les ministres.

Mais une fois que le jeu parlementaire et le « dialogue social » de la Ve République se sont épuisés, la carotte démocratique a cédé la place au bâton télescopique.

L’État, une bande d’hommes armés au service de la bourgeoisie

La tension est montée d’un cran avec les grèves et les blocages qui se sont répandus à partir du 7 mars, tandis que les manifestations se sont tendues. C’est surtout après l’usage du 49.3 que la tactique policière a changé face à la colère qui a éclaté. Preuve que la « doctrine » évolue plus en fonction des besoins répressifs de l’État à un moment donné que de la personnalité du ministre de l’Intérieur ou du préfet. En l’occurrence, il fallait faire rentrer dans le rang une mobilisation qui débordait.

Dès le 16 mars au soir, la police réprimait brutalement les manifestations spontanées et interpellait des centaines de personnes sans motif. L’objectif : vider les rues et dissuader les manifestants de revenir. À Paris, la chasse aux manifestants est devenue le sport favori de la préfecture de police. Jeunes, syndicalistes, jusqu’aux riverains qui passent par là : ce sont sans doute des milliers de personnes qui se sont retrouvées en garde à vue dans les geôles des commissariats franciliens, avant d’être libérées sans poursuites des heures plus tard… Une stratégie de répression judiciaire doublant un déchaînement de violence policière par les brutes épaisses de l’État, comme ces tristement célèbres Brav-M4 lâchées sur les manifestations spontanées. Une violence policière digne des quartiers populaires où sévissent les mêmes agents : les compagnies d’intervention5 ou la récente CRS 8 qui a provisoirement délaissé les quartiers nord de Marseille pour s’occuper des manifestants rennais.

Loin d’être des bavures, leurs exactions sont délibérées, et couvertes par la hiérarchie. La preuve par les mots du préfet de police de Paris justifiant les gardes à vue arbitraires6… et par la décision du Conseil d’État de laisser les flics masquer leur fameux « référentiel des identités et de l’organisation » (RIO) censé être obligatoire pour qu’ils puissent être identifiés en cas de dérapage7. Une impunité assumée jusqu’à Sainte-Soline, après la répression de la manifestation contre les mégabassines qui a fait des centaines de blessés, parfois très graves. La gendarmerie, pourtant très à cheval sur les règles, a officiellement validé des tirs de LBD depuis des quads en mouvement – une pratique pourtant totalement interdite car très dangereuse. Une impunité assumée par Darmanin, qui voulait faire une démonstration de force contre tous les contestataires par le nombre (3 200 gendarmes déployés autour d’un gros trou dans le sol) et les moyens utilisés (plus de 5 000 grenades – essentiellement lacrymogènes – tirées en quelques heures).

L’État choisit donc délibérément de blesser voire de mutiler, « quoi qu’il en coûte » aux manifestants. Gaz lacrymogène, matraques, grenades, LBD : les manifestations sont volontairement transformées en affrontements pour dissuader les participants. Même les services d’ordre syndicaux en font les frais, comme on l’a vu récemment dans plusieurs villes. C’est qu’une fois que la meute est lâchée, elle ne fait pas dans la dentelle…

Dans cette noble mission, les forces de l’ordre ont reçu les soutiens qu’elles méritent et l’aide des nervis d’extrême droite. Marine Le Pen les soutient, même si elle prétend être contre la réforme des retraites pour capter l’électorat ouvrier aux prochaines élections. On ne compte plus les attaques de blocus lycéens, de cortèges étudiants voire de piquets de grève par des fachos qui jouent les auxiliaires des flics.

C’est que Darmanin les excite quand il dénonce le « terrorisme intellectuel de l’extrême gauche ». Le rôle de chef du parti de l’ordre lui va si bien… On comprend mieux pourquoi il trouvait Marine Le Pen trop « molle » il y a deux ans. Les macronistes vont avoir du mal à nous refaire le coup du « barrage républicain », pour nous « protéger » d’une politique qu’ils appliquent eux-mêmes.

Cela dit, l’emploi de la force est un aveu de faiblesse de Macron qui n’arrive pas à enrayer un mécontentement profond, ni à se déplacer sans avoir doit à un concert de casseroles.

Leur force et la nôtre

Macron est certes isolé et impopulaire, pour autant il ne tient pas uniquement par la répression. Cela pourrait arriver, mais on n’en est pas là. Pour autant, la répression franchit des caps et ne peut laisser personne indifférent. En premier lieu celles et ceux qui luttent, et qui sont confrontés à ce déploiement de violence dans les manifestations, à ces restrictions liberticides qui vont de l’interdiction de manifester à la prohibition… des casseroles ! Alors que faire face à cette police dotée d’armes de guerre à laquelle le pouvoir lâche la bride ?

Certains, dans le monde politique, déplorent une tradition française du « maintien de l’ordre » trop brutale et appellent à un changement de doctrine inspiré des autres pays d’Europe qui auraient, parait-il, des doctrines plus sophistiquées et moins brutales pour imposer l’ordre bourgeois et maitriser la contestation sociale8. D’autres essayent en vain de dissoudre la Brav à coup de pétition. D’autres encore à gauche prient pour le retour de la « police républicaine ». Mais n’avons-nous pas déjà des « Compagnies républicaines de sécurité » (CRS) créées en 1944 par un gouvernement allant de De Gaulle jusqu’au PCF ? Elle est tout à fait « républicaine » cette police qui maintient l’ordre social par la force, avec des méthodes qu’elle adapte seulement aux besoins de l’État bourgeois.

Et ce serait nous désarmer nous-mêmes que de demander un désarmement de la police qui n’arrivera jamais ou de rêver d’une police « démocratique ». Une police qui serait au service des pauvres contres les riches ? Oui, il faut dénoncer cette violence policière, la répression et sa fonction. Mais aussi se préparer à y faire face, car l’organisation collective de ceux qui luttent peut aussi dissuader la police. Et aujourd’hui, la meilleure arme dont dispose le monde du travail, c’est la force de ceux qui font tourner la société… et qui peuvent donc la paralyser.

Car si les flics peuvent toujours essayer de ramasser quelques poubelles (si elles n’ont pas brûlé !) quand les éboueurs sont en grève, ils sont incapables de remplacer les salariés qui alimentent les profits patronaux. Là est notre force pour faire reculer Macron… et ses petits soldats.

Hugo Weil

 


 

Notes

1 Ces deux forces sont spécialisées dans le maintien de l’ordre. Les 78 compagnies républicaines de sécurité comptent 130 policiers chacune, soit 10 000 en tout, dont presque 8 000 dédiées au maintien de l’ordre, repérables à leur casque liseré de jaune et à leurs camions blancs. Les 13 000 gendarmes mobiles sont répartis en 108 escadrons de 110 militaires chacun, qui assument différents missions de maintien de l’ordre. On les reconnaît à leur uniforme noir et leur casque bleu sombre.

2 Difficile de déterminer ce qui détermine l’attrait du « cortège de tête » qui précède les manifestations (parisiennes mais pas seulement) depuis 2016 : colère contre les flics, méfiance envers les syndicats… C’est souvent le nombre qui fait sa force, mais pour ce qui concerne son « activisme », les choix tactiques du « black bloc » n’ont sans doute pas grand-chose de spontané…

3 Communiqué de l’intersyndicale du 8 mars.

4 Constituées sous le nom de DAR en 2019 contre les Gilets jaunes, les Brigades de répression des actions violentes sont des unités (en théorie provisoires) de policiers qui obéissent à la préfecture de police de Paris (plus de 800 agents répartis en huit compagnies d’intervention). Légères, pédestres ou motorisées, les Brav sont chargées d’aller « au contact » des manifestants, c’est-à-dire de taper dessus.

5 Les compagnies départementales d’intervention et les compagnies de sécurisation et d’intervention regroupent des effectifs de la Police nationale contre les « violences urbaines » ou pour le maintien de l’ordre. Généralement mal formées, elles sont souvent moins disciplinées et plus brutales que les « experts ». Leur signe distinctif est un liseré bleu sur les casques sombres.

6 « Les interpellations préventives, ça n’existe pas. Nous continuerons à interpeller », Laurent Nuñez sur RTL le 23 mars.

7 Saisi par quatre associations pour contraindre Beauvau à étiqueter les vaches, le Conseil d’État a décidé le 5 avril de ne pas donner suite.

8 Par exemple la « doctrine Godiac », un ensemble de tactiques policières censées permettre une « désescalade » de la violence et un dialogue avec les manifestants. Une méthode qui ne peut fonctionner… que dans un contexte de conflictualité limitée.

mercredi 19 avril 2023

le pen

 

Le Pen et Bardella au Havre le 1er mai : c’est dégueulasse !

Dessin de C.P.

Depuis plusieurs semaines, le Rassemblement national (RN) a annoncé qu’il célébrerait sa « Fête de la nation » au Havre, en invitant à un banquet un millier de militants du parti de l’ensemble du pays au Carré des Docks, lieu abritant ordinairement dans la cité portuaire des manifestations culturelles ou des concerts de célébrités. Marine Le Pen et Jordan Bardella veulent ainsi renouer avec le grand raout du 1er mai cher à Jean-Marie Le Pen qui a réuni pendant 25 ans ses troupes à Paris sous la statue dorée de Jeanne d’Arc située rue de Rivoli. En 1995, un événement tragique avait marqué le défilé : la mort du jeune Brahim Bouarram, poussé dans la Seine par un skinhead participant à la manifestation.

« Fête de la nation » versus « Journée internationale des travailleurs »

La conjonction des deux événements ne doit rien au hasard. De 1979 à 1988, le Front national de Jean-Marie Le Pen a d’abord rendu hommage à Jeanne d’Arc le… 8 mai ! Il s’inscrivait ainsi dans les pas des courants nationalistes, réactionnaires et royalistes (notamment l’Action française) qui à la fin du 19e siècle trouvaient que le 14 juillet sentait trop le peuple et la révolte et voulaient instaurer une deuxième fête nationale. C’est le dimanche suivant, le 8 mai, qui fut choisi, jour de la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc en 1429. En 1920, sous la IIIe République, dans le contexte cocardier de l’après-guerre, est instituée officiellement à la date du 8 mai une « fête de Jeanne d’Arc, fête du patriotisme ». À partir de 1945, le 8 mai reste un jour férié, mais prenant un autre sens, celui célébrant la victoire contre l’Allemagne nazie. Du coup, pour les rescapés de la collaboration puis ses nostalgiques, l’hommage à Jeanne d’Arc prend alors des allures de contre-manifestation. Fondé en 1972, groupusculaire au long des dix années suivantes, le Front national s’associe à la cérémonie en 1979.

En 1988, Jean-Marie Le Pen décide que le défilé frontiste aura lieu le 1er mai, et non le 8. C’est que le second tour de l’élection présidentielle, auquel le chef frontiste espère participer, doit se tenir ce 8 mai. Le Pen veut ainsi faire de la manifestation une démonstration de force dans l’entre-deux tours. Mais aussi s’épargner le voisinage des groupes d’extrême droite radicaux qui, eux, défileront bien le 8. Le Pen échoue finalement à parvenir au deuxième tour : le 1er mai, il devra se contenter d’appeler à « voter Jeanne d’Arc ».

Une autre raison, plus stratégique, justifie cependant le changement de date, qui sera maintenu les années suivantes. « Nous avions décidé de jumeler cette fête patriotique avec la fête des travailleurs afin de montrer la vocation sociale du FN », a expliqué Carl Lang, ancien secrétaire général du FN, « cela nous permettait d’intégrer la célébration de Jeanne d’Arc dans une revendication concrète et actuelle, de lier le social et la patrie, le passé et le présent. » Ces motifs annonçaient également la mutation de l’électorat du Front national à cette époque et durant les années 1990 : aux artisans, petits patrons et professions libérales se rajoutent, de plus en plus nombreux, des ouvriers et employés. Le discours du FN s’adapte alors : après avoir longtemps voulu représenter « la vraie droite », le parti se revendique bientôt « ni de droite, ni de gauche ».

Jeanne d’Arc n’a pourtant jamais mis les pieds au Havre

La dernière édition de la « Fête de la nation », tenue en 2015, avait donné lieu à de fortes tensions entre Marine Le Pen, présidente du parti, et son père, président d’honneur, qui s’était introduit sur scène sans prévenir. Jean-Marie Le Pen avait finalement été exclu du FN quelques semaines plus tard. Le Rassemblement national a donc voulu solder cet héritage devenu encombrant, qui donnait par ailleurs lieu chaque année à des démonstrations de force de noyaux militants les plus radicaux de la fachosphère, que le RN couleur Marine a encore moins qu’avant intérêt à rendre visibles. Par contre, il entend conserver la date du 1er mai « pour mettre l’accent sur le travail et le social ». Alors choisir pour ce 1er mai d’aller parader au Havre, cité ouvrière, longtemps dominée par le Parti communiste qui plus est, en plein mouvement social marqué depuis trois mois par les grèves des dockers et des raffineurs de la zone havraise contre le projet Borne-Macron de la retraite à 64 ans, est évidemment un pari sur l’avenir effectué par le tandem Le Pen-Bardella. Un autre de leurs calculs est celui de tester la réaction d’Édouard Philippe, ancien Premier ministre de Macron et maire du Havre, que Le Pen imagine en « meilleur adversaire » lors des présidentielles de 2027. En tout cas, cette venue est perçue comme une énorme provocation par toutes celles et ceux qui savent que Le Pen et toute sa clique sont les pires ennemis du monde du travail. La retraite à 60 ans et avec 37,5 annuités n’ont jamais figuré au programme du RN et n’y figureront jamais, car l’extrême droite sert les intérêts des patrons. Le Pen n’a rien à faire au Havre le 1er mai. Ce jour-là, c’est la journée de lutte internationale des travailleurs et des travailleuses : que tous les fachos restent dans leur trou de rat et soient invisibles… au Havre comme partout. Un collectif unitaire s’est mis en place au Havre appelant à manifester dans le centre-ville le matin du 1er mai « contre la haine et pour défendre les retraites ». Ce serait évidemment une très bonne nouvelle que les 1000 militants d’extrême droite se sentent enserrés de toutes parts par des dizaines de milliers de manifestants aux couleurs du mouvement ouvrier et antifasciste. Cela étant dit, comme c’est assez facile de bloquer les accès au Havre au vu de sa configuration géographique, comme le font très souvent les grévistes… peut-être que les cars des militants du RN pourraient se retrouver empêchés d’arriver jusqu’aux docks. Une occasion de montrer que la seule force qui pourra nous débarrasser du pouvoir de nuisance de l’extrême droite, c’est la classe ouvrière !

Marie Darouen