Nous publions le témoignage que nous a transmis un collègue retraité confronté aux dures réalités du système de santé dans sa déliquescence organisée à travers les politiques de santé publique.
Sans revêtir un caractère dramatique, il démontre bien les tensions actuelles au sein des hôpitaux.
Petite
tumeur deviendra grande si Buzyn lui prête vie
Certains
médecins urgentistes ont déjà fait valoir leur droit de retrait,
estimant à juste titre n'avoir plus les moyens d'honorer leur
mission. Il est urgent que cette réaction s’amplifie et s'étende
à l'ensemble des personnels des hôpitaux publics pour que les
responsabilités criminelles de ce gouvernement d’ennemis du peuple
et de ses inféodés locaux soient enfin exposées au grand jour et
pour que les moyens soient enfin donnés à l’hôpital public
d’être au service de toute la population, et pas seulement dans
les centres urbains de quelques « métropoles ».
Mon
médecin m’avait pris rendez-vous auprès du service de
gastro-entérologie de l’hôpital de Guingamp pour une échographie
justifiée par des douleurs chroniques… et par des antécédents
incitant à une certaine vigilance quant à l’état de ma
tuyauterie.
Un
mois de délai avec la suspicion qu’on imagine, c’est long. Mais
les résultats de l’analyse de sang (envoyés par « le labo »
à une adresse périmée malgré la mention de mon adresse valide sur
les prélèvements) ne laissaient apparaître aucune anomalie. Et
puis, conscient du délitement organisé du service public de santé,
solidaire de son personnel poussé aux limites de l’épuisement et
exposé, sur son temps de repos, aux réquisitions
manu-militari par les escadrons de M. Castaner, je prenais mon mal en
patience : petite irritation ne deviendra grande
tumeur que si Buzyn lui prête vie, et à plus forte raison si je me
lance dans un tournoi de squash entre angoisse et montées
d’adrénaline.
A
jeun depuis plus de 6 h et la vessie pleine depuis plus de deux, je
suis arrivé sur place un peu avant l’heure fixée, dans un hall
bondé de monde, pour découvrir que mon rendez-vous n’aurait pas
lieu à 18h30 comme prévu, le retard accumulé correspondant à la
prise en charge de 4 autres patients avant moi à partir de cette
heure, soit au bas mot 1h30 de retard. Parmi ceux-ci un vieux
monsieur en chaise roulante qui venait d’apprendre que le
rendez-vous qu’il avait pris n’avait pas été enregistré sur le
planning du service… ayant été confondu avec un homonyme qui se
trouvait déjà en consultation…
Or,
j’ai moi aussi, comme tout le monde, un planning, et avais prévu
autre chose en soirée après ce RDV. Fallait-il, de plus, que je
patiente encore une ou deux heures pour pouvoir soulager ma vessie ?
Je suis donc reparti comme j’étais venu, une colère sourde au
fond de moi (après le dilettantisme du labo, le vase était plein).
Je
veux bien attendre des jours avant de pouvoir obtenir un RDV pour une
échographie. Je veux bien admettre qu’il y ait des imprévus qui
justifient un retard d’une demi-heure. Je veux bien me déplacer
par mes propres moyens et à mes frais. Je veux bien me soumettre aux
contraintes de l'exercice...
Mais
respectant les consignes et l'horaire qui me sont imposés, je
considère comme une marque élémentaire de respect qu’il en soit
de même par ceux-là qui les ont établis. Difficile en revanche de
faire confiance à des gens qui ne respectent pas le RDV qu’ils ont
eux-mêmes fixé et qui confondent un patient avec un autre. (Le
genre de truc qui peut finir par une ablation de la rate chez un
patient venu pour un ongle incarné…)
Certes,
peu importe qu’une tuyauterie soit échographiée à 18h30, à 21h
ou à 4h du matin. Mais un patient ne se réduit pas à un bout de
boyau : c’est une personne qui, comme le médecin, a une vie
sociale et privée - et donc son propre agenda - et qui a droit au
respect dû à tout un chacun.
Il
n’est donc pas admissible que des RDV soient fixés d’une manière
anarchique (au point de confondre un patient avec un autre) sur la
base d’un planning saturé aux delà des limites du vraisemblable,
comme si les patients étaient des sujets soumis au bon vouloir d’une
bureaucratie médicale (?) qui se fout du serment d’Hippocrate
comme de son premier nœud papillon.
J’ignore
si ce bourrage de planning relève d’un choix de certains médecins
ou s’il leur est imposé par une administration zélée à
maintenir les apparences d’un service public de la santé,
alors-même que les moyens ne lui sont plus donnés de fonctionner
efficacement. Mais une chose est certaine : ce mode de
fonctionnement traduit un réel mépris envers la population.
Il
y a un moment où la conscience professionnelle impose de faire
valoir son droit de retrait.
Même
dans le secteur hospitalier. Surtout dans le secteur hospitalier.
Certains
en ont déjà eu le courage, en particulier les médecins
urgentistes.
Il
est urgent que cette réaction s’amplifie; pour que les
responsabilités criminelles de ce gouvernement et de ses inféodés
locaux soient enfin exposées au grand jour ; pour que les
moyens soient enfin donnés à l’hôpital public d’être au
service de toute la population, et pas seulement dans les centres
urbains de quelques « métropoles » ; et aussi pour
que la confiance et le respect mutuel soient enfin rétablis entre
les citoyens et leurs médecins.
Jean-Do
ROBIN
Le 20 mai 2019