Kanaky-Nouvelle-Calédonie : un référendum « décolonial » ?
Le
dimanche 4 novembre aura lieu le référendum d’autodétermination en
Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Une étape du cycle ouvert par les accords de
Matignon (1988) signés à la suite du soulèvement du peuple kanak et du
massacre de 19 militants indépendantistes sur l’île d’Ouvéa le 5 mai
1988.
La Kanaky : colonie d'hier et d'aujourd'hui
Dans
la longue histoire coloniale en Nouvelle-Calédonie, depuis l’annexion
officielle en 1853 jusqu’à aujourd'hui, l’État français a mené un large
éventail des politiques impérialiste et coloniales : confiscation des
terres (création de « réserves kanak »), tentative d’élimination
physique (en 1906 les Kanak ne sont plus que 30 000, moitié moins qu’en
1853), création d’un statut de sous-humain (code de l’indigénat jusqu’en
1945), et enfin colonisation de peuplement qui favorise la mise en
minorité des Kanak.
La revendication d’indépendance
s’est développée dans la résistance à l’oppression et avec la volonté
de préserver une culture très différente du modèle imposé par les
colons. Depuis 1988, l’État se présente comme arbitre, garant de la
justice sociale, de la paix et d’un processus de décolonisation. La
réalité est tout autre.
Accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) : un bilan largement négatif
Les
Kanak (39% de la population) sont, parmi les communautés de l’île,
celle qui reste le plus à l’écart du développement économique, de
l’accès à l’éducation, etc. En 2017, le taux de chômage pour la
population kanak était de 18,6% alors qu’il était de 11,6% pour
l’ensemble de la population. Les emplois qu’elle occupe sont les moins
rémunérés et les plus précaires. Le « transfert des compétences » et
l’effort promis pour le développement n’ont pas été au rendez-vous. Le
Sénat coutumier parle de « peuple sinistré ».
Les
divisions se sont approfondies dans le mouvement indépendantiste au
cours des 30 dernières années. Un grand nombre de Kanak est désormais en
grande défiance vis-à-vis des dirigeants politiques, et les consignes
de votes diverses du coté indépendantiste sont l’expression de
stratégies différentes pour l’accès à l’indépendance et de visions
parfois antagonistes du rapport à l’État français.
Un référendum inscrit dans un processus de décolonisation ?
Les
conditions du vote, avec un corps électoral qui devait être bloqué aux
natifs et résidents avant 1994, ont connu des modifications qui rendent
les Kanak encore plus minoritaires. L’enjeu du scrutin n’est dès lors
pas le « oui » ou le « non » à l’indépendance, mais dans quelle
proportion le « non » sera majoritaire. La non-participation sera aussi
un indicateur de la situation politique. Le Parti travailliste et le
syndicat USTKE, dans le camp indépendantiste, appellent à ne pas aller
voter.
Les divers partis de droite et d’extrême
droite sont unis pour que ce scrutin soit l’enterrement de la
revendication d’indépendance. Les résultats peuvent amener des tensions,
tant l’insatisfaction, voire le désarroi sont présents, en particulier
dans la jeunesse kanak. Le racisme envers les Kanak est toujours très
ancré et les milices de droite et d’extrême droite encore prêtes à se
reformer.
Nous dénonçons la politique coloniale de l’État français !
La
politique de peuplement se poursuit avec les salaires doublés pour les
fonctionnaires et un an de plus de cotisation retraite pour 3 années
travaillées sur le territoire. Mais on observe aussi une justice
territoriale raciste : plus de 90 % des prisonniers du territoire sont
kanak. Sans parler de la tentative de dissolution de la culture kanak et
de la revendication d’indépendance par une assimilation synonyme de
misère sociale.
L’indépendance de la Kanaky ne sera
probablement pas à l’ordre du jour au soir du 4 novembre, le mouvement
indépendantiste dans son ensemble réfléchit à élaborer de nouvelles
stratégies, et le peuple kanak aura besoin de notre soutien le plus
large, le plus lucide et le plus anti-colonialiste possible.
Montreuil le 2 novembre 2018