mardi 14 mai 2019

littorale

LE TELEGRAMME

Un excellent article sur la FAPEN et la Loi Littorale, pas facile pour les plus riches et certains élus d'appliquer la Loi.

Installée à Plougrescant, Muriel Fiannacca est présidente de la Fapel 22. Depuis onze ans, l’association défend le littoral notamment en attaquant des permis de construire.

Elle est redoutée par les maires et détestée par les particuliers qu’elle poursuit en justice. Créée en 2008, la Fapel 22 (Fédération des associations de protection de l’environnement et du littoral) attaque à tout va les projets qui, à ses yeux, ne respectent pas la loi. En particulier la loi Littoral. Sa présidente, Muriel Fiannacca, assume sans sourciller.


Selon certains maires et habitants, la Fapel, c’est deux ou trois personnes qui bloquent des projets. Que répondez-vous ? Et combien êtes-vous vraiment ?
Non, nous ne sommes pas deux ou trois emmerdeurs mais beaucoup plus ! On regroupe une vingtaine d’associations et de collectifs ainsi qu’une trentaine d’individuels. Certaines associations ont plusieurs centaines d’adhérents. On doit représenter 1 500 personnes au bas mot. Les gens peuvent avoir l’impression qu’on est deux ou trois parce qu’ils voient toujours les mêmes têtes. On a divisé le département par portions du littoral. Il y a un vice-président par portion. Dans le Trégor, ils voient donc mon vice-président et moi. On ne communique sans doute pas assez sur notre travail.

Vous agacez parce que vous attaquez en justice.
Oui mais on ne fait pas que ça. On arrive également à avoir de la concertation. Nous intervenons en tant que personne publique associée dans de nombreux dossiers comme le schéma de cohérence territoriale du Trégor, la stratégie du trait de côte, les plans locaux d’urbanisme, etc. On a par exemple travaillé sur le projet de nouveau bâtiment de Trévou-Tréguignec sur le terre-plein de la plage. On les a un peu aidés. Le dossier est bien ficelé, il va très bien s’intégrer dans le paysage. On défend l’environnement, la biodiversité et le littoral contre une urbanisation démesurée comme à Perros-Guirec. Heureusement, certaines communes y ont échappé. On essaie d’y veiller.

Mais on vous connaît surtout pour vos recours au tribunal. Combien en avez-vous actuellement ?
En ce moment, quatorze sur le département. À la fois devant le tribunal administratif et au pénal. Ici, il y a par exemple le dossier de la base nautique et la station SNSM de l’Ile Grande, la maison de Plestin-les-Grèvesla piscine du camping de Trélévern, le plan local de l’urbanisme de Trélévern, l’érosion d’une falaise à Perros-Guirec ou encore une maison construite illégalement à Pleubian. On travaille aussi sur la servitude de passage des piétons le long du littoral (SPPL). On veille à ce que les personnes dont la propriété va jusqu’à la mer laissent un espace pour qu’on puisse passer à pied. À Trébeurden, certaines personnes refusent de s’y soumettre. Si elles se retournent contre l’État, on ira aider l’État. Ce n’est pas parce qu’on a beaucoup d’argent qu’on ne doit pas respecter la loi.


Le Trégor semble concentré beaucoup de vos dossiers. Pourquoi ?
Parce qu’à partir de Saint-Brieuc, cela a été urbanisé beaucoup plus tôt. Jusqu’à Plérin, ça va. Mais ensuite, ils ont tellement construit… Ici il y a encore beaucoup d’enjeux et de lieux à préserver. On a par exemple travaillé sur le plan local de l’urbanisme de Plougrescant. Il a fallu batailler au début mais ils ont compris. Aujourd’hui, Plougrescant est sauvé des promoteurs. D’autres communes ont été sacrifiées.

La maison de Plestin a été construite dans une dent creuse. En quoi dérange-t-elle ?
Elle se trouve dans la bande des 100 mètres donc c’est illégal. Le tribunal nous a donné raison. À côté, les habitations datent d’avant 1986 et la loi Littoral. Pendant dix ans, l’État a laissé faire. Il est arrivé un moment où il fallait que la loi s’applique. Aujourd’hui, on a décidé d’aller jusqu’au bout. On commence à avoir un petit trésor de guerre et on va demander les démolitions de maison lorsqu’il y a irrégularité. On s’est un peu radicalisé parce que c’est bien beau d’avoir gain de cause. On nous dit que la maison est illégale mais le préfet, qui devrait ordonner sa démolition, ne le fait jamais. Comme à Plestin. On ne compte plus sur le préfet : on demande la démolition.

Pensez-vous aux propriétaires ?
Oui. Psychologiquement, c’est très dur. Mais il arrive un moment où il faut aller jusqu’au bout. On fait le sale boulot. Une personne au ministère de l’Environnement m’a dit un jour : « il n’y a plus que vous pour faire remonter les dossiers ».

Vous dites avoir un trésor de guerre. Comment financez-vous votre action ? Les frais d’avocat ?
Oh, c’est un petit trésor de guerre. Notre avocat est un militant (NDLR : il s’agit de la fille de Muriel Fiannacca) qui ne demande pas beaucoup d’argent et se paie sur les frais dépens lorsqu’on gagne. Et on gagne régulièrement. On demande aussi une participation à nos adhérents. En revanche, on a fait le choix de faire sans aucune subvention publique pour garder notre indépendance. On est extrêmement unis avec la même équipe depuis pas mal de temps. On fonctionne avec les moyens du bord. On est ric-rac mais on est indépendants.

 

Une banderole pour dire non à la démolition de la maison 25 av de La lieue de Grève à Saint-Efflam.

À titre personnel, pourquoi menez-vous ce combat ?
Je suis citoyenne. Je demande l’application des lois. Or, ce n’est pas toujours le cas. Du fait, des particuliers, des mairies ou de l’État. Alors évidemment, je passe pour la sorcière parce que je m’occupe de toute la partie juridique. Je me fais insulter mais je m’en fiche. Je n’ai pas d’ego.

En onze ans d’existence, quel bilan tirez-vous de l’action de la Fapel ?
On a sauvé des choses. Tout ce qu’on arrive à sauver, c’est une victoire. Même deux mètres de terrain. Regardez la zone de Boulgueff, à Paimpol, où il y avait un projet de parc ostréicole. C’est un endroit magnifique et il aurait pu y avoir plusieurs hectares de hangars.

Des maires s’agacent d’être bloqués par une loi Littoral devenue trop stricte au fil des jurisprudences. Qu’en pensez-vous ?
C’est faux. Au contraire, la loi Littoral est sans cesse attaquée. Il y a des amendements des sénateurs. Ils sont élus par les maires donc ils ne vont pas se faire des croques en jambe. Et petit amendement par petit amendement, ils attaquent la loi Littoral. Donc on devient encore plus méfiant. Avant, on aurait pris notre téléphone pour alerter un maire. Maintenant non parce qu’on sait que c’est du temps perdu.

Qu’est-ce qui anime les membres de la Fapel ?
L’indignation. On s’indigne tous. On est en colère face au non-respect des lois, à la mauvaise foi et au manque de perception intellectuelle de l’aménagement du territoire. Je préférerais ne pas avoir à faire tout ça. J’y passe des journées entière et je n’y prends pas de plaisir. J’ai juste le sentiment d’avoir fait mon devoir. La maison à Plestin, c’est un crève-cœur. La SNSM à l’Ile Grande aussi. Mais, c’est nécessaire.

© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/lannion/loi-littoral-on-fait-le-sale-boulot-13-05-2019-12282036.php#dXSyMKpruQQT550y.99