mardi 23 septembre 2025

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Reconnaissance de la Palestine : de la poudre aux yeux

Lundi 22 septembre, outre-Atlantique, Macron annonçait à la tribune de l’ONU sa reconnaissance de l’État de Palestine. Le même jour, sur la côte Est de la Méditerranée, dans la bande de Gaza, au moins 61 Palestiniens sont morts et 221 blessées en 24 heures, portant le nombre de morts à plus de 65 000 depuis octobre 2023. Macron a soutenu Israël dans cette guerre depuis le début, comme il a soutenu sa guerre au Liban en octobre 2024 ou ses récents bombardements sur l’Iran.

Un État palestinien, ou le droit de vivre dans les ruines

Dans son discours, Macron a réussi en quelques minutes à effacer l’histoire coloniale d’Israël, d’après lui « une belle démocratie » fondée en 1947 : oubliées les guerres d’expansion d’Israël dés 1948, puis 1956, 1967, 1973, les années 1980 au Liban… Et de renvoyer dos à dos la souffrance des Palestiniens et des Israéliens qui vivent « dans une solitude jumelle ». Mais quel État palestinien Macron a-t-il reconnu ? À Gaza, moins de dix pour cent des immeubles sont encore debout. En Cisjordanie, officiellement palestinienne depuis les accords d’Oslo d’il y a 30 ans, jamais respectés, les colonisations israéliennes s’accélèrent, expulsant les Palestiniens de chez eux. Depuis 2023, le nombre de colons a quasiment doublé, 121 nouveaux « avant-postes » (c’est-à-dire de nouvelles colonies illégales) ont été construits. La reconnaissance de l’État, ou plus exactement du principe d’un État palestinien à venir, ne va empêcher ni les annexions, ni la destruction des terres, ni les exactions et raids meurtriers de l’armée israélienne.

Un geste symbolique…

Incarnant ce décalage entre les discours et les faits, les drapeaux palestinien et israélien sont projetés côte à côte à Paris sur la tour Eiffel, séparés d’une colombe, loin des bombes qui continuent à tomber à Gaza : une mise à égalité entre les victimes du génocide et l’État qui l’orchestre ; entre la reconnaissance symbolique aux uns et le soutien réel – militaire et politique – aux autres. Il n’y aura pas de paix sans justice pour le peuple palestinien.

Mais il y a, côté Macron, quelques intérêts : il n’a pas oublié de rappeler que la paix dont il se fait soudain le promoteur permettrait une meilleure intégration économique de la région… et quelques marchés à s’y partager.

Malgré l’interdiction brandie par Retailleau, une centaine de mairies de gauche ont affiché le drapeau palestinien à leur fronton, sorte de satisfécit pour certains peut-être, mais de fait aussi un soutien à Macron contre plus à droite que lui, de la part d’une gauche politicienne qui ne s’est jusque-là vraiment pas illustrée par un soutien à la cause palestinienne.

La paix ou le maintien de l’ordre ?

C’est aux Palestiniens que Macron pose des conditions : libération des otages, démilitarisation du futur État, limitation des expressions politiques autorisées… Le tout supervisé par une mission internationale de stabilisation. La France serait prête à y envoyer des troupes, à participer à la formation d’une police pour contrôler la population. Ces conditions seraient acceptables pour l’État d’Israël, s’il n’était pas dans un rapport de force assez favorable pour ne pas s’encombrer de toute cette diplomatie et poursuivre l’objectif qu’il a dans cette guerre d’expulser les Palestiniens et de faire le « grand Israël » de la mer au Jourdain.

À commencer par ce projet surnommé « E1 » (et combien de numéros après ?) instaurant de nouvelles colonies séparant la Cisjordanie en deux, une Cisjordanie officiellement palestinienne morcelée en enclaves de plus en plus ténues, coupée par des routes interdites joignant les implantations israéliennes. Signé par Netanyahou fin août, il montre les objectifs d’Israël : la disparition pure et simple des territoires palestiniens. Il peut compter sur le soutien plein et entier des États-Unis, dont il est le garant de l’hégémonie politique et économique dans la région.

La diplomatie au service des affaires

Loin de s’opposer à cette hégémonie, Macron négocie les intérêts du patronat français dans ce chaos. La guerre sans fin que mène Israël risque de déstabiliser toute la région, l’expulsion des Palestiniens de poser des problèmes à l’Égypte du maréchal Sissi, à la Jordanie du roi Abdallah et de perturber le monde des affaires. C’est le seul souci de Macron. Un jeu d’équilibre qui demande de compter sur le rôle de gendarme joué par Israël… tout en tendant la main aux pays arabes qui l’entourent.

C’est donc en direction des dirigeants du monde arabe que Macron est allé pérorer à la tribune de l’ONU. Une vieille recette du pseudo-non-alignement à la Chirac, cherchant à replacer la France comme acteur politique et diplomatique… pour mieux la placer sur les marchés.

Thales a signé en mai dernier un accord avec les Émirats arabes unis pour créer une unité de production de radars de surveillance aérienne, quand Dassault négocie un contrat pour son dernier Rafale F4, et bientôt le F5 ! Le Yémen négocie des contrats d’achat du Rafale avec Dassault quand le groupe de transport maritime CMA CGM, souhaite garantir son chiffre d’affaires (plus de 55 milliards de dollars en 2024…) et son accès aux installations portuaires de la région. Le malheur des uns fait la richesse des autres.

État d’Israël assassin, États impérialistes complices !

Si, comme le disent les Palestiniens sur place, la colonisation, c’est le cancer qui vous grignote jusqu’à la mort, le traitement n’est certainement pas à trouver du côté des pays impérialistes, comme la France, qui prétendent gérer le futur État palestinien, qu’ils ne conçoivent que comme une prison à ciel ouvert, dont ils choisiraient les dirigeants et formeraient eux-mêmes la police, une enclave de misère.

Macron et les différents pays qui viennent (sans en faire tout un show) de reconnaître un État (Grande-Bretagne, Canada, Australie, Portugal…) ne le font qu’une fois qu’un tel État a perdu toute possibilité d’exister réellement.

Les bavardages à l’ONU ne sont que des considérations juridiques, aujourd’hui à mille lieux de la réalité des Gazaouis sous les bombes, privés de nourriture et d’accès à l’aide humanitaire. À l’heure où une commission indépendante des Nations unies vient de reconnaître le génocide, il est plus que jamais important de continuer à lutter pour la justice pour le peuple palestinien et de rappeler que la solution ne viendra pas plus des institutions internationales que des États impérialistes, mais bien seulement de la mobilisation de l’ensemble des peuples de la région contre leurs dirigeants.

Un renversement de l’ordre impérialiste qui passe par le combat contre nos propres dirigeants, premiers soutiens de l’État colonial, complices du génocide, dont les prises de positions diplomatiques ne se font qu’aux vents de leurs intérêts politiques et économiques.

Alix Nilabbli