mercredi 3 septembre 2025

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Mobilisation historique en Australie en soutien à la Palestine

Ces dernières semaines, des manifestations de masse ont essaimé en Australie pour mettre fin au génocide des Palestiniens. Nous donnons la parole à Josh Lees, membre de l’organisation trotskiste Socialist Alternative qui joue un rôle moteur dans la lutte pro-palestinienne.

La mobilisation pro-palestinienne prend de l’ampleur en Australie, peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Depuis octobre 2023, des manifestations contre le génocide perpétré par Israël à Gaza ont lieu sans discontinuer dans les grandes villes australiennes. Les plus importantes ont rassemblé environ 50 000 personnes à Melbourne et Sydney fin 2023 et début 2024. Le nombre de participants a fluctué dans les deux dernières années, mais le mouvement a réussi à maintenir des mobilisations de rue régulières toutes les deux semaines. Avec l’intensification de la politique israélienne de famine à de Gaza et le massacre quotidien de civils affamés dans les points d’« aide » gérés par les mercenaires américains de la « Gaza Humanitarian Foundation », un nouveau sentiment d’horreur et d’urgence s’est fait sentir.

Dans le même temps, la population était de plus en plus exaspérée et indignée par le soutien matériel continu du gouvernement australien à ce génocide. Le gouvernement du Parti travailliste a fait des déclarations verbales sur ses « graves préoccupations » concernant la « crise humanitaire » à Gaza, mais n’a rien fait pour sanctionner Israël ou mettre fin aux livraisons d’armes en cours. L’Australie n’est pas un grand fournisseur d’armes, mais elle produit des composants essentiels pour l’avion de combat F-35, qui ont été exportés directement vers Israël, ainsi que des blindages spéciaux en acier pour les chars israéliens.

Le mouvement a débuté le 3 août avec une manifestation massive sur le pont du port de Sydney. Peux-tu décrire l’impact de cette manifestation, ainsi que le rôle que toi et tes camarades y avez joué ?

Nous avons décidé qu’il fallait tenter quelque chose d’extraordinaire pour exploiter et mobiliser la vague de colère grandissante que nous sentions monter dans la population. Après en avoir discuté avec nos camarades de Socialist Alternative et du Palestine Action Group, nous avons donc décidé d’organiser une marche sur l’emblématique Harbour Bridge de Sydney. Seules deux marches politiques avaient déjà eu lieu sur ce pont dans l’histoire, et avec l’accord du gouvernement. Ce que nous proposions était donc sans précédent.

Le gouvernement et la police de l’État de New South Walles nous ont immédiatement traduits en justice pour empêcher la manifestation, ce qui n’a fait que contribuer à faire de la « bataille du pont » un événement national. Nous avons vu déferler une vague massive de soutien, avec des centaines de messages de soutien provenant de diverses associations et d’une douzaine de syndicats. Il s’agissait d’un pas en avant important, car la grande majorité des dirigeants syndicaux n’ont rien fait pendant les deux dernières années de génocide. Nous avons déclaré au tribunal : « Nous allons rassembler plus de 50 000 personnes pour une marche, c’est inévitable, que comptez-vous faire ? » Nous avons gagné le procès sur cette base et, au final, 300 000 personnes ont manifesté sur le pont malgré une pluie battante.

Cette immense manifestation a transformé la situation, révélé le soutien massif de la société à la cause palestinienne et donné confiance à davantage de monde pour s’organiser et se mobiliser dans tout le pays. Ainsi, trois semaines plus tard, le 24 août, nous avons assisté à la plus grande marche nationale pour la Palestine jamais organisée, qui a mobilisé environ 320 000 personnes à l’échelle nationale, dans plus de 40 villes et petites localités, dont beaucoup n’avaient jamais organisé de marche pour la Palestine auparavant.

Nos camarades de Socialist Alternative ont joué un rôle crucial dans le lancement, la promotion et la coordination de cette marche nationale.

Dans le sillage des manifestations de masse, vous avez proposé un référendum national sur les campus par l’intermédiaire des comités palestiniens. Pouvez-vous nous expliquer l’état d’avancement de la campagne et ses objectifs ?

L’année dernière, les membres de Socialist Alternative et de Students for Palestine présents sur nos campus ont mis en place des campements de solidarité avec Gaza dans une douzaine d’universités à travers le pays, ce qui a eu un impact politique important, mais n’a pas donné naissance à un grand mouvement étudiant militant pour la Palestine. Nous espérons qu’avec ce nouvel élan, nous pourrons faire quelques pas supplémentaires pour mobiliser les étudiants.

Le référendum national étudiant est un moyen pour les étudiants d’exprimer leur opposition massive au génocide et d’appeler le gouvernement australien et les universités à rompre leurs liens avec Israël, en particulier les accords de recherche que de nombreuses universités ont conclus avec des entreprises d’armement qui font affaire avec Israël.

Des assemblées générales ont également été organisées sur les campus afin de débattre et de voter des motions portant ces revendications. Ces réunions ont été couronnées de succès, attirant entre 150 et 600 personnes sur chaque campus. Nous espérons que ces efforts permettront de créer un mouvement étudiant plus important et des clubs socialistes plus importants.

Le gouvernement travailliste déclare travailler en faveur de la « reconnaissance de l’État palestinien ». Quelles sont les réactions de la population en général, en particulier au sein de la classe ouvrière ?

Le mouvement palestinien n’a pas exigé la « reconnaissance de l’État Palestinien », que nous considérons comme un geste assez insignifiant visant à nous détourner de nos véritables revendications, qui sont de sanctionner Israël et de mettre fin aux livraisons d’armes. Néanmoins, le fait que le gouvernement ait annoncé qu’il soutiendrait désormais cette « reconnaissance », alors qu’il l’avait exclue quelques semaines plus tôt, montre qu’il subit une pression importante après l’énorme marche de Sydney.

Cette annonce a déclenché une guerre verbale entre les gouvernements australien et israélien, ce qui permet à notre gouvernement travailliste de prétendre qu’il agit concrètement. Dans l’ensemble, cependant, cette diversion a échoué, comme en témoigne l’énorme mobilisation du 24 août.

Le mouvement a montré qu’il pouvait mobiliser un grand nombre de personnes, mais il présente encore de nombreuses faiblesses. Bien que Socialist Alternative ait joué un rôle organisationnel de premier plan dans bon nombre de ces moments clés, le mouvement dans son ensemble est encore loin d’avoir une approche socialiste ou une « conscience de la classe ». La mobilisation de la classe ouvrière en tant que travailleurs reste très faible, sans parler de l’absence d’action syndicale significative. Les dirigeants syndicaux restent dans leur grande majorité inertes ou hostiles à davantage d’actions, et les forces qui pourraient les défier sont encore beaucoup trop faibles. Dans la plupart des secteurs, des groupes de sympathisants de la Palestine tentent de s’organiser et de faire pression pour obtenir davantage, mais le chemin à parcourir est encore long et nous avons besoin d’une organisation socialiste beaucoup plus importante qui puisse aider à mener ces efforts.

Ces dernières semaines, nous avons également vu des sections de droite de l’establishment capitaliste tenter de riposter et de freiner notre élan, en soutenant une mobilisation raciste et fasciste anti-immigration qui vient d’avoir lieu le 31 août. Organisée explicitement en réponse à notre « Marche pour l’humanité » sur le Harbour Bridge, cette « Marche pour l’Australie » a vu 30 000 racistes d’extrême droite, souvent menés par de petits groupes de néonazis déclarés, défiler dans tout le pays et, dans certains cas, attaquer violemment des Palestiniens, des Aborigènes et des migrants. Il s’agit des plus grandes mobilisations d’extrême droite en Australie de ma vie, et d’une évolution inquiétante à laquelle nous devons essayer de faire face, à la fois en construisant des mouvements antiracistes et en construisant une alternative socialiste plus importante à ce système de guerre sans fin, de violence raciste et d’inégalité.