dimanche 27 juillet 2025

LULA

 

Bras de fer Trump/Lula : qui aura la garde de Bolsonaro ?

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump multiplie les menaces et les coups de pression à l’encontre des États du monde entier à coups de hausses de droits de douane afin de réaffirmer l’hégémonie commerciale américaine. Aujourd’hui, ce sont vingt-deux pays qui sont dans le viseur du président américain, dont le Brésil, ciblé aussi pour des raisons politiques. Il accuse ses dirigeants d’une « chasse aux sorcières » contre l’ancien président d’extrême-droite, Jair Bolsonaro (à la présidence de 2019 à 2022), poursuivi pour tentative de coup d’État. Trump menace l’État brésilien d’une hausse des droits de douane de 50 % si le procès de Bolsonaro n’est pas suspendu. Depuis, réciprocité des taxes du côté brésilien et perquisition du domicile de Bolsonaro, refus de visas de magistrats brésiliens de l’autre. Jusqu’où ira le bras de fer ?

Trump et Bolsonaro, affinités électives

Lundi 7 juillet, Donald Trump envoie donc une lettre (personnelle !) à Lula, le président brésilien, dans laquelle il le menace d’augmenter de 50 % les droits de douane sur les produits de son pays importés aux États-Unis, qui s’ajouteraient aux taxes sectorielles préexistantes. Cette mesure s’appliquera le 1er août, en même temps que les hausses des taxes douanières de 30 % concernant les importations venant du Mexique et de l’Union européenne. Pour ce qui est du Brésil, son objectif assumé est l’annulation du procès contre Jair Bolsonaro qui risque quarante ans de prison pour tentative de coup d’État. Et cela, à un an des élections.

Après avoir été soupçonné d’une tentative d’évasion du pays, Bolsonaro a été placé sous bracelet électronique et soumis à de nombreuses interdictions, comme celle d’apparaître médiatiquement, d’accéder à ses réseaux sociaux, ou d’entrer en contact avec des ambassades – il est soupçonné de vouloir fuir le pays, pourquoi pas en utilisant celle des États-Unis. De son côté, Donald Trump est lui-même un habitué des cours de justice – il a été visé par six procès et condamné à deux reprises, et n’a jamais hésité à insulter les juges en les traitant de « corrompus » ou de « diaboliques ». Il ne pouvait donc pas laisser passer ces attaques et ces restrictions « liberticides », « antidémocratiques » contre Bolsonaro, et a menacé des magistrats de la Cour suprême brésilienne d’interdiction de visa pour les États-Unis.

Bolsonaro présente un autre avantage pour Trump. Outre leurs affinités politiques réactionnaires, Bolsonaro défend une politique économique alignée sur celle des États-Unis, contrairement à Lula qui préfère continuer le rapprochement avec la Chine, principal fournisseur du Brésil et partenaire de ce dernier au sein des BRICS+, ce qui a conduit Bolsonaro à déclarer en pleine campagne que « la Chine achète le Brésil ». Parmi ces liens, l’exportation de nouvelles technologies de la Chine au Brésil, l’ouverture d’usines comme celle de voitures électriques de BYD à Bahia, l’émergence de la Nouvelle banque de développement (NBD), dirigée par Dilma Rousseff, (ancienne présidente et proche de Lula), visant à concurrencer le FMI et la Banque mondiale, l’ouverture par le Brésil d’un bureau de conseil fiscal en Chine, etc. C’est d’ailleurs ce rapprochement, particulièrement visible au Brésil, qui a poussé Trump à annoncer des taxes douanières de 10 % supplémentaires pour tous les pays qui s’alignent sur les « politiques anti-américaines » des BRICS, lesquels en fait ne sont pas un bloc unifié, mais négocient chacun bilatéralement leurs relations économiques avec les États-Unis.

Bolsonaro, défenseur du parrain américain

Évidemment, Bolsonaro exprime sa « gratitude éternelle » au président américain qui le protège d’un « crime inexistant ». Le même genre de crime invisible dont Trump et ses soutiens se sont rendus coupables le 6 janvier 2021 en prenant d’assaut le Capitole parce qu’ils récusaient l’élection de Biden. Deux ans plus tard, le 8 janvier 2023, les soutiens de Bolsonaro envahissaient la place des Trois pouvoirs à Brasilia – qui concentre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire –, suite à sa défaite aux élections présidentielles face à Lula, imitant ainsi celui qui le « traite comme un frère ». Depuis, les bolsonaristes dénoncent la « dictature » qu’impose Lula au Brésil (tout en étant nostalgiques de la dictature militaire !).

Il paraît alors logique que deux frères se filent des coups de main. Le fils de Jair Bolsonaro, Eduardo Bolsonaro, actuellement aux États-Unis, a remercié Trump de vouloir faire du Brésil un pays à nouveau libre (« Make Brazil Free Again »). De plus, les bolsonaristes ont appelé à des manifestations (peu nombreuses à l’heure actuelle) de solidarité à l’ancien président et contre la dictature qu’imposerait Lula.

La seconde cible des bolsonaristes est Alexandre de Moraes, président du Tribunal supérieur électoral. Aux côtés de Lula, il est accusé d’être un dictateur et d’empêcher la démocratie au Brésil. C’est lui en effet qui a fait perquisitionner le domicile de l’ancien président et l’a menacé de prison ces dernières semaines. Cela lui vaut insultes et surnoms de la part de Bolsonaro et de ses soutiens : « canaille », « mensonge en personne » ou encore « dictateur communiste ». Pour autant, loin d’être communiste, Alexandre de Moraes est lui-même un homme de droite qui n’a aucun problème avec l’usage de la force. Alors adjoint à la sécurité publique de l’État de Sao Paulo, sa police, selon la chaîne TV Globo, commettait un homicide sur quatre dans la ville. Puis, en tant que ministre de la Justice, il dénonçait les mouvements de gauche tout en justifiant les violences policières, une attitude qui n’est pas étrangère à celle de Bolsonaro. Reste que Moraes défend la république tandis que Bolsonaro et ses soutiens, sont nostalgiques de l’époque de la dictature militaire. Deux politiques différentes mais qui servent les intérêts de la bourgeoisie brésilienne dans les deux cas. Ce que Lula n’oublie pas non plus.

Lula tape du poing sur la table ?

« Ce n’est pas un gringo qui va donner des ordres au président de la République. » C’est ainsi que s’est adressé Lula à des étudiants pour parler du conflit avec Trump. Et le président brésilien de signer un décret permettant l’application de la « Loi de réciprocité », laquelle, comme son nom l’indique, vise à pouvoir répondre économiquement aux attaques unilatérales de pays ou de blocs économiques. Mais, au-delà des postures, Lula, comme la bourgeoisie brésilienne qui le soutient, n’entend pas mener le bras de fer avec le président étasunien jusqu’au bout, mais bien négocier au mieux face à cette attaque de la première puissance mondiale.

Pour l’heure, quelle que soit l’issue de ce bras de fer, Trump offre un formidable coup de com’ au président brésilien de gauche, qui s’affiche dès lors comme un dirigeant fort, prêt à rassembler le peuple brésilien derrière lui. Lula grimpe dans les sondages à un an des élections. La bourgeoisie brésilienne hésite aujourd’hui sur son champion et vers quel parrain se tourner.

La hausse de popularité actuelle de Lula montre qu’une partie de la population et des classes populaires brésiliennes refusent de subir les attaques de Trump. Mais ce n’est pas Lula qui assurera la défense des travailleurs brésiliens. Lula se présente comme le sauveur des Brésiliens face à Trump (et Bolsonaro), mais cela ne l’empêche pas de continuer à vendre à des multinationales des terres pétrolifères proches de l’Amazonie, ou d’intensifier la déforestation, en augmentation de 9,1 % sur la dernière année. Il ne s’agit pas pour lui de défendre les intérêts des classes populaires brésiliennes, mais les marges des entreprises du pays et de leurs actionnaires. La seule défense sur laquelle les travailleurs peuvent compter, c’est leur propre mobilisation. Certaines organisations révolutionnaires au Brésil montrent la voie en appelant à manifester et à se mobiliser, notamment dans les entreprises les plus touchées par les taxes. La force des travailleurs réside dans leur place dans la société et dans un marché mondial dont dépendent aussi les États-Unis et qui pourrait mettre à mal les plans actuels de Trump.

François Cichaud et Ainhoa Bosc

 

 


 

 

États-Unis et Brésil : quels liens ?

La hausse de 50 % des droits de douane aura des conséquences sur l’économie brésilienne (et étasunienne) qui pourrait y perdre 10 millions de dollars. Ce sont 12 % des exportations brésiliennes qui sont destinées au commerce avec les États-Unis, représentant 1 % de leur PIB (contre 30,7 % des exportations vers la Chine). Ces taxes auraient néanmoins un impact direct sur l’industrie, notamment celle de la ville de Sao Paulo ; la part principale de la production industrielle leur est destinée.

Pour les États-Unis, certaines ressources, notamment agricoles verraient leur prix exploser comme le café, dont un tiers de celui qui est consommé provient du Brésil. Inversement, le Brésil importe de nombreux produits des États-Unis, notamment en matière d’aéronautique de pétrole et d’équipements industriels et électriques. Autrement dit, des équipements particulièrement utiles dans un contexte de hausse du militarisme et des tensions impérialistes ?

F.C. et A.B.