mardi 29 avril 2025

FDB

 

Fonderie de Bretagne reprise par Europlasma : les « bienfaits » menaçants du « produire français »

La Fonderie de Bretagne, placée en redressement du fait de la baisse des commandes de Renault, aurait trouvé repreneur. Et quel repreneur ! Europlasma, une entreprise française qui se livre depuis quelques années à des rachats agressifs. Bien charitable, la boîte promet la sauvegarde de l’emploi en France, la revalorisation des territoires et l’investissement dans la transition énergétique. Les chantres du « produire français » à gauche et dans les syndicats peuvent se frotter les mains. Mais pour les travailleurs et travailleuses, est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

Avant la Fonderie de Bretagne, Europlasma avait déjà racheté les Fonderies de Tarbes en 2021 ou encore Valdunes en 2024. Le repreneur avait publiquement promis de s’orienter vers la transition énergétique… mais s’est rapidement tourné vers les obus. C’est plus vendeur !

Pourtant l’investissement y est en berne. Les travailleurs et travailleuses de Tarbes se plaignent d’objectifs inatteignables et de machines trop anciennes et sans cesse en panne. Pas de quoi rassurer les ouvriers pour l’avenir, d’autant qu’une partie de la production de Tarbes pourrait être déplacée à Valdunes. Mais de quoi redouter des scénarios à la Mutares, spécialiste des rachats de boîtes en difficulté, qui a une fâcheuse tendance à extraire toute la valeur qu’il peut avant de partir en laissant l’entreprise en redressement judiciaire : ça a été le cas de Logiplast-TeamTex (Isère), liquidée moins d’un an après sa reprise.

Un phénomène devenu courant ces dernières années : dans l’esprit de la loi Florange, les boîtes recherchent un repreneur en cas de fermeture. Une bonne idée pour protéger l’emploi ? En réalité, on a surtout vu se développer un marché de la sous-traitance des licenciements. Ainsi de l’usine Whirlpool d’Amiens, passée depuis 2017 de repreneur en repreneur qui, chacun son tour, a réduit les effectifs, passant de 280 à 180, puis 44 salariés sur cinq ans ! Certaines entreprises se sont spécialisées dans ce système : reprendre une entreprise en difficulté, presser le citron de tout le jus qui reste, puis repartir les poches pleines : Mutares et Europlasma en sont deux parmi d’autres.

Bien plus que dans l’armement, Europlasma s’est donc surtout spécialisée dans le presse-citron (vert ?)… et le montage financier : produisant à perte, la boîte vit de montages fiscaux et d’une fuite en avant permanente à la recherche de nouveaux investisseurs. Son truc : une holding dans un paradis fiscal et des titres financiers à très court terme et gros risques – les Ocabsa, très décriés par les autorités de régulation. Selon l’Autorité des marchés financiers : « Le recours à ces financements est le plus souvent le fait de sociétés qui n’ont plus accès à d’autres possibilités de financement […] en raison de leur situation financière dégradée ou de leurs perspectives insuffisantes », comprenez : « Sauve qui peut » ! Ce produit financier permet à de nouveaux investisseurs de réaliser une plus-value en revendant très vite leurs actions. Un principe qui décourage l’investissement à long terme, puisque la valeur de l’action ne fait que baisser, « rinçant » les actionnaires plus anciens. Malgré tous ses rachats d’usines, la valeur boursière d’Europlasma ne représente désormais que « le prix d’une belle pharmacie parisienne », note-t-on dans le monde de la finance. Et, puisque l’investissement à long terme est découragé, le « projet industriel » tant rêvé par la gauche, les syndicats et le gouvernement tombe à l’eau. Même les gros industriels de la métallurgie disent déjà qu’Europlasma, « c’est une fuite en avant qui finira mal » ; on peut ajouter avec certitude que les travailleurs seront les premiers à payer la facture.

Cependant l’État français, malgré les avertissements des industriels et des autorités financières, couvre Europlasma de subsides et favorise ses rachats sans se montrer trop regardant sur les méthodes. Notons que l’un des administrateurs d’Europlasma, Laurent Collet-Billon, est un ancien haut-fonctionnaire avec ses réseaux dans la direction de l’armement (DGA), qu’il a dirigée, et ses entrées au gouvernement qui lui donne de sacrés coups de pouce : pour la reprise de Valdunes, Europlasma a engagé 15 millions d’euros ; l’État et les collectivités territoriales, 20 millions.

Bref, ce bon patron bleu-blanc-rouge qui essaie aussi de se repeindre en vert, surtout kaki, veut faire du profit, et vite, sur les engins de mort, les montages à risque et les subsides de l’État, et tant pis pour l’avenir des travailleurs et travailleuses ! Alors, n’en déplaise à Sophie Binet, les seuls capables de sauver les emplois, ce ne sont pas les patrons bien français, mais les travailleurs en lutte !

Gabriel Laudin