ANTIKA HEBDO du NPA
Affaire Benalla : il y a quelque chose de pourri dans la Macronie
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Capture d'écran.
Mercredi 18 juillet, le Monde
révélait, images à l’appui, qu’Alexandre Benalla, chargé de mission à
l'Élysée en tant qu'adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron,
s’était rendu coupable, le 1er mai, de violences contre des
manifestantEs place de la Contrescarpe à Paris, coiffé d'un casque à
visière et muni d’un brassard de police. Depuis ces premières
informations, les révélations s’accumulent, le pouvoir s’embourbe dans
des explications fumeuses, des enquêtes sont ouvertes, et l’affaire
Benalla est ainsi rapidement devenue une affaire d’État.
L’Élysée et l’Intérieur savaient
Toutes
les informations réunies par la presse démontrent que l’Élysée et le
ministère de l’Intérieur étaient au courant des agissements de Benalla,
et ce dès l’immédiat après-1er mai. Le 2 mai, Gérard Collomb est ainsi
informé des faits. Le ministère de l’Intérieur en informe à son tour la
présidence et, le 3 mai, Patrick Strzoda, directeur de cabinet
d’Emmanuel Macron, écrit à Benalla pour lui reprocher son « comportement manifestement inapproprié » et
pour lui notifier une mise à pied de 15 jours. Une sanction identique
est prise contre Vincent Crase, gendarme réserviste comme Benalla dont
il est un ami, et collaborateur occasionnel de l’Élysée, également
présent place de la Contrescarpe.
La Macronie a-t-elle
pensé que la sanction était appropriée ? Si tel est le cas, le moins
que l’on puisse dire est que le pouvoir est particulièrement
compréhensif à l’égard d’un individu qui s’est rendu non seulement
coupable de violences, mais aussi – entre autres – d’usurpation de
fonctions, soit des délits passibles de trois ans de prison et 45 000
euros d’amende… Une sanction qui n’aura pas eu, en outre, de
conséquences pour Benalla, présent dans le bus des « Bleus » sur les
Champs-Élysées lundi 16 juillet, après avoir été mobilisé lors de
l'entrée au Panthéon de Simone Veil, le 1er juillet. Une bienveillance
qui contraste avec l’extrême sévérité requise – et mise en œuvre –
contre les syndicalistes ou les militantEs solidaires des migrantEs…
Un scandale d’État
La
grossièreté de la manœuvre est d’autant plus choquante qu’elle est
révélatrice du sentiment d’impunité qui semble régner aux sommets de
l’État. On ne peut en effet qu’être stupéfaits face à de tels
comportements, qu’il s’agisse de celui de Benalla, confiant au point de
se déguiser en flic pour frapper des manifestantEs, ou de l’Élysée qui a
cru, du moins dans un premier temps, que la meilleure posture était de
rester « droit dans ses bottes », et de faire le pari que « l’affaire »
ne prendrait pas trop d’ampleur. Une attitude qui, venant des petits
génies de la com’ qui composent la team Macron, est une illustration
frappante du fait que le pouvoir jupitérien se croit non seulement tout
permis mais pense en outre que tout peut être contrôlé et étouffé si
nécessaire.
Et au-delà de l’Élysée, c’est bel et bien à
un scandale d’État que nous sommes confrontés. En effet, les
ramifications de cette affaire, au fur et à mesure que les jours
passent, sont de plus en plus complexes et de plus en plus troublantes :
des policiers qui ont accepté de protéger physiquement Benalla à ceux
qui, comme on l’a appris ce matin, lui ont transmis illégalement des
images de vidéosurveillance, en passant par les révélations sur le
« Monsieur sécurité » de Macron, déjà coupable de violences contre des
militantEs et des journalistes, et à la tête d’une obscure « Fédération
française de la sécurité privée » aux airs de milice, créée en 2016 avec
Vincent Crase, il semble que l’on ne soit pas au bout de nos
surprises…
Une manifestation de l’air du temps
Notons
au passage que la petite musique qui se fait entendre depuis quelques
jours, selon laquelle Benalla aurait « déshonoré » la police, a de quoi
faire rire jaune. Entre ceux qui tentent de distinguer la « bonne »
police des « mauvais » barbouzes et ceux qui ne semblent pas être
choqués par les violences perpétrées par l’adjoint au chef de cabinet de
Macron mais seulement par le fait qu’elles ont été commises par un
usurpateur et non par un « vrai » flic, c’est un étrange front qui se
constitue. Car si l’affaire Benalla est révélatrice du fonctionnement de
la Macronie, elle est également une manifestation de l’air du temps :
celui des violences policières commises en toute impunité, avec la
bénédiction et les encouragements du pouvoir, au point qu’un conseiller
élyséen y participe directement avec la bienveillance de sa hiérarchie
!
Il n’y a rien d’accidentel dans cette « affaire »,
sinon qu’elle a été rendue publique. La présence d’individus comme
Benalla dans les plus hautes sphères de l’État et leur sentiment
d’impunité – malheureusement justifié – démontre, s’il en était encore
besoin, qu’il y a quelque chose de pourri dans la Macronie. L’affaire
Benalla, dont on ne connaît pas encore les futurs développements,
pourrait nous en apprendre beaucoup sur les pratiques de ce pouvoir à
l’air – faussement – décontracté, moderne et branché, alors qu’il
s’inscrit dans une longue tradition, celle des clans qui privatisent
l’État pour leurs intérêts et ceux de leurs amis, un processus
particulièrement facilité par la nature antidémocratique des
institutions de la Ve République. Le barbouze Benalla, dont tout indique
qu'il est un très proche de Macron, va probablement être « exfiltré »,
ce que semble confirmer son licenciement annoncé ce matin. Mais ne nous y
trompons pas : c’est toute la Macronie qui est en cause et, au-delà,
des institutions et un système qui n’ont que trop duré.
Julien Salingue