vendredi 10 mai 2024

sorbonne

 

La lutte en solidarité au peuple palestinien depuis la Sorbonne [interview de Hortense, NPA-Révolutionnaires]

Échanges entre le NPA-Jeunes Révolutionnaires et l’UJS du Parti ouvrier argentin : retour sur les mobilisations étudiantes

Dans le cadre d’échanges autour des mobilisations étudiantes récentes avec le secteur jeunes (Unión de Juventudes por el Socialismo – UJS) du Parti ouvrier (Partido Obrero) argentin, nous publions deux interviews. L’une porte sur la lutte menée par les étudiants et la classe ouvrière contre le gouvernement d’extrême droite de Javier Milei et sa politique d’austérité. L’autre, sur les mobilisations étudiantes en France, en solidarité avec le peuple palestinien et sa répression par le gouvernement (ci-dessous).

 

 


 

 

La lutte en solidarité au peuple palestinien depuis la Sorbonne

Rassemblement devant le Panthéon à Paris, le 3 mai.

Les mobilisations étudiantes se multiplient en soutien au peuple palestinien dans le monde entier, à l’instar des États-Unis où plus de 60 universités sont mobilisées et font face à une grande répression policière de la part du gouvernement Biden, premier soutien de Netanyahou. Ces mobilisations se déclinent aussi en France pour dénoncer la complicité de Macron avec le génocide en cours, où de nombreuses universités se mobilisent en région parisienne comme Sciences Po Paris, La Sorbonne, mais aussi à Lille, Lyon, Saint-Étienne et bien d’autres encore.

La jeunesse du PO argentin a voulu échanger avec nous et s’est entretenu avec Hortense, étudiante à Paris 1 (à Tolbiac et à la Sorbonne) et militante du NPA Jeunes Révolutionnaires.

La lutte en solidarité avec le peuple palestinien a la particularité de s’être articulée à Paris 1 dans la continuité d’une lutte contre la réforme de tri social, obtenant une victoire sur la direction de l’université et donnant à de nombreux étudiants des premières expériences de luttes.

PO : Quelles sont les revendications des étudiants qui participent aux campements pour la Palestine ? Comment décrirais-tu la situation dans les institutions éducatives en France ?

Là-dessus, je pense qu’il faut distinguer deux niveaux. Il y a d’une part les revendications que nous, on met le plus en avant, qui sont le fait de critiquer la complicité de notre État, de notre gouvernement et des gouvernements impérialistes sur ce qu’il se passe actuellement en Palestine. Mais ensuite, au-delà de ça, sur nos lieux d’étude il y a plusieurs revendications et celles-ci en font partie. Il y a d’une part la critique, évidemment, de la politique de l’État d’Israël, la critique de la complicité de notre gouvernement. Mais il y a aussi des critiques plus spécifiques au milieu universitaire, avec le fait notamment de critiquer les partenariats qui sont faits avec des universités israéliennes qui soutiennent la colonisation ou ce qui se passe actuellement à Gaza. Par exemple, la Sorbonne a des partenariats avec l’université de Tel-Aviv qui a envoyé 5000 étudiants pour coloniser la Cisjordanie et pour faire partie de l’armée qui est autour de Gaza. Donc, ça faisait partie des revendications. Et sinon, la principale revendication, ça reste la liberté d’expression, d’expression politique autour de la situation en Palestine, dans nos universités, et l’arrêt de la criminalisation de ce soutien au peuple palestinien partout en France.

Pour ce qui regarde la situation des facs en France il y a plusieurs choses. Les universités en France sont de plus en plus nombreuses, on va dire de plus en plus de centres avec de très nombreux étudiants, mais c’est de plus en plus stressant pour la plupart d’entre eux aussi. En fait, aujourd’hui, il y a quasiment un étudiant sur deux qui travaille à côté de ses études, qui a de plus en plus peur de la sélection à l’université, de ne pas finir ses études, etc. En gros, il y a ces dernières années une tension qui augmente autour des questions politiques à la fac. Là par exemple, nous, à Tolbiac, on avait lancé un mouvement contre le tri social à l’université, dans le cadre des attaques qui ont été faites contre les étudiants qui visaient à supprimer les rattrapages, la compensation, etc.

Ce qui témoigne déjà un peu du délabrement des universités publiques et qu’il y a de plus en plus d’attaques contre les étudiants les plus précaires. Et en fait, si ça, c’était déjà très mal vu par l’université qui employait des méthodes de plus en plus violentes pour aller contre les blocages étudiants, etc. Et là, sur la Palestine, ce qu’on voit, c’est un renforcement de ça. Le gouvernement appelle à criminaliser tout type de soutien à la Palestine dans les universités. C’est très dur d’en parler. Pendant des mois, ça a été très dur. Et là, aujourd’hui encore, ils font intervenir les forces de l’ordre sur les campus.

PO : Quelle a été la réponse du gouvernement ?

Pour le moment, il y a d’une part dans les paroles, où c’est très violent. Il y a tout le corps politique et médiatique qui condamne uniformément les étudiants. Le Premier ministre a dit qu’on était une « minorité dangereuse », qu’on était influencé par les wokistes américains. Macron a dit aujourd’hui qu’il fallait condamner avec la plus grande vigueur, que c’était intolérable les blocages dans les universités. Sylvie Retailleau a dit qu’il fallait vider les universités par tous les moyens et empêcher les mobilisations par tous les moyens.

Donc d’une part, y a ça dans les discours. Dans les actes, pour l’instant c’est un peu mitigé. Il y a de fait la pratique de faire des lockout systématiques, de fermer les universités et de vider tout le monde, de passer les cours en distanciel, de mettre les examens dans d’autres centres, etc.

Il y a le fait de faire rentrer la police sur les lieux d’étude. À Sciences Po par exemple, c’est la première fois qu’il fait rentrer la police sur le campus depuis mai 68 donc ce qui est quand même un peu rare. Par contre, pour le moment ça va pas du tout aussi loin qu’aux États-Unis ou même en Allemagne, il n’y a pas d’interpellations ou très peu.

Il y a assez peu de violence, peu de violences policières en tant que telles, il y a pas ou peu d’expulsion des universités non plus, à part à Sciences Po Paris. Et même s’il y a des menaces d’expulsion, il n’y a pas d’expulsion. Cela peut peut-être aussi s’expliquer du fait que pour le moment, c’est des universités dans des lieux d’étude assez privilégiés qui se mobilisent, que c’est des écoles de journalisme, de sciences politiques, les meilleures universités, etc.

Mais ça n’explique pas non plus tout. On voit que c’est le cas aux États-Unis. Moi je pense que pour l’instant ils essayent de tabler sur le fait que ça suffit pour stopper la mobilisation avant qu’elle augmente. Parce qu’ils savent aussi que plus il y a des images de répression violente, plus il y a un risque que ça augmente. Comme ce qu’il est en train de se passer aux États-Unis par exemple. Donc je pense qu’ils essaient d’éviter de faire ça.

PO : Comment naissent ces actions ? Est-ce qu’elles sont liées avec d’autres luttes récentes ?

Je dirais pareil. Il y a des nuances entre les différents centres où ça a éclaté. Il y a d’une part les centres comme Sciences Po au départ où en fait c’est venu progressivement, avec au départ des assemblées générales qui n’étaient pas du tout acceptées par leur fac. Et en fait, c’est ce qui a amené à une radicalisation des modes d’action.

Alors qu’au départ, ils venaient avec un discours très « droit international » donc pas très très radical. Mais ils ont des liens directs avec des étudiants de Columbia, des étudiants d’autres facs. Ce qui explique aussi un peu l’exportation, on va dire, des modalités, des campements, des occupations, etc.

Nous, à Tolbiac, c’est un peu différent parce qu’en fait, ça fait déjà maintenant un mois et demi, qu’il y a les étudiants qui sont en lutte contre la sélection à l’université, qui ont réussi à gagner cette lutte. On a réussi à faire reculer la réforme qui était prévue, mais en fait, ça faisait du coup un mois qu’il y avait des blocages, des assemblées générales avec plus de 400 personnes, etc. Et en fait, petit à petit, on s’est mis de plus en plus à parler de Palestine et il y a une continuité logique. C’est à peu près en fait les mêmes personnes qui aujourd’hui se mobilisent sur la Palestine à Tolbiac qui se mobilisaient déjà avant, sur le tri social, qui ont vu que le blocage avait marché, que c’était un moyen de pression efficace, que ça permettait d’être audible, etc. qui ont vu l’intérêt des assemblées générales, etc. Là, aujourd’hui, ce qu’on essaye de faire avec du coup différents centres. En fait il y a dans toutes les villes de France. Ce qu’on voit le plus, c’est la Sorbonne, mais en fait y a plein de centres qui sont parfois moins médiatisés qui ont aussi bloqué, fait des assemblées générales parfois plus nombreuses qu’à la Sorbonne. Et ce qu’on essaye de faire, nous, c’est de coordonner un peu tous ces centres-là, ce qu’on a fait avec une première interfac en fin de semaine, qu’on va refaire demain soir1. Une interfac du coup qui permet de coordonner les étudiants notamment en vue des examens qui arrivent.

Hortense dans le cortège du NPA-Révolutionnaires le 1er mai à Paris. Crédits : Hermann Click

PO : Quelles sont les tâches et les défis de cette lutte ?

En fait là, on est un peu dans un moment charnière parce que les examens commencent un peu partout. Donc le premier objectif, c’est de réussir à maintenir la mobilisation aussi forte qu’elle est et à continuer à l’étendre. Là, on est sur une pente ascendante pour l’instant : il y a de plus en plus de monde, de plus en plus de campus qui se mobilisent, de plus en plus de villes où ça apparaît. Sauf qu’on est vraiment à la toute fin de l’année. Il y a des facs qui ont déjà complètement fini les examens, d’autres qui les commencent, etc. Donc il y a déjà cet objectif-là. Et au-delà de ça, il y a aussi le fait de mettre de plus en plus en avant les revendications les plus politiques et générales. Parce que nous ce qu’on essaye de dire, c’est que c’est un mouvement étudiant oui. Mais c’est pas un mouvement étudiant dans sa nature en soi. C’est un mouvement qui est fait par des étudiants pour l’instant, mais qui n’a pas pour but de rester uniquement étudiant. L’objectif, c’est de se tourner aussi vers le reste de la population qui se mobilise pour la Palestine, les 60 000 personnes qui venaient en manif en décembre par exemple, les autres corps de métiers, des collectifs comme Soignant.e.s pour Gaza, etc. En fait, c’est de réussir à faire le lien entre tout un tas de personnes qui se mobilisent sur la Palestine, qui ont envie de dénoncer la complicité de notre État dans ce génocide et les étudiants. Évidemment on peut continuer à mettre la pression sur notre université, mais en fait quand il y a déjà des universités où il n’y a plus du tout de cours ni même d’examens, c’est difficile de continuer à mettre la pression sur une université.

Par contre, ce qu’on voit, c’est que là, ce qu’on fait, la réponse qui est donnée, elle est beaucoup plus générale et politique. Si on ne s’attaquait qu’à nos universités, le gouvernement ne prendrait pas autant de temps pour nous dénigrer partout dans les médias, il n’enverrait pas la police, et il ne nasserait pas des étudiants dès qu’ils font un rassemblement quelque part, ne nous gazerait pas, etc.

Donc, s’il réagit comme ça, c’est parce que en fait évidemment ce qu’on conteste c’est beaucoup plus général. C’est pour ça que c’est dans toutes les villes, dans plein de campus, dans plein de facs. Et du coup, le but devient de coordonner ça avec les autres personnes qui sont pas en études, qu’elles soient jeunes, au lycée, travailleuses ou quoi pour pouvoir continuer à mettre la pression dans la rue, dans les manifestations, etc.

Nous c’est ce qu’on a essayé de faire en posant des dates de manifestations et de rassemblements dans plusieurs villes, en essayant de coordonner, y compris avec les autres organisations de jeunesse, même si on est assez loin d’elles politiquement. Mais on dépose toujours les rassemblements avec eux, on essaie de les appeler, de voir s’ils veulent appeler aux choses avec nous, etc. Donc les autres organisations syndicales, politiques, etc. Le but c’est de faire la même chose à plus grande échelle, et pas seulement avec les organisations de jeunesse, mais de pouvoir appeler à des trucs beaucoup plus larges. Le retour des manifestations par exemple.

Propos recueillis le 5 mai
Hortense, Fede Albnz, et Ainhoa Bosc

 

 

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