vendredi 18 octobre 2019

LORIENT

OUEST FRANCE

Anciens pompiers, ils racontent leur 8 octobre 1985


Jean-Michel Raoulas et Jean-Claude Branchoux sont revenus sur ces journées de mobilisation des pompiers d'octobre 1985.
Jean-Michel Raoulas et Jean-Claude Branchoux sont revenus sur ces journées de mobilisation des pompiers d'octobre 1985. | ARCHIVES OUEST-FRANCE


Le livre sur le conflit des sapeurs-pompiers de Lorient de 1985 vient de paraître. Deux d'entre eux reviennent sur ces jours d'octobre 1985 où leur carrière a basculé.
L'histoire

Jean-Claude Branchoux et Jean-Michel Raoulas étaient pompiers à Lorient. Le 8 octobre 1985, ils sont, avec 300 de leurs camarades des centres de secours du Grand Ouest, dans le cortège en colère venu cueillir le président Mitterrand en visite à Lorient. Depuis 1979, les pompiers maintiennent la pression pour obtenir la revalorisation de leurs primes de feu, la hausse des effectifs... « Ce jour-là, c'était une manifestation interprofessionnelle, on se battait déjà contre une certaine forme d'austérité... », se souvient Jean-Claude Branchoux.
Le cortège des pompiers est parti du centre de secours pour rejoindre le gros des manifestants cours de Chazelles. « On était devant quand on a entendu la première et seule sommation des forces de l'ordre », se remémorent les deux hommes. Ensuite c'est la charge. « Les CRS ont foncé sur nous, les barrières ont volé. » Seulement voilà, les pompiers ne se laissent pas faire. « Pierre Joxe, le ministre de l'Intérieur, a dit par la suite que nous étions armés de ceinturons « cloutés ». C'était faux. Nous avons utilisé nos ceinturons pour défendre une camarade à terre. C'était de l'autodéfense. »

Les heurts se poursuivent mais le calme revient dans les rues de Lorient. Pourtant au sein du centre de secours, la tempête fait rage. Le 14 octobre, le corps des sapeurs-pompiers de Lorient est dissous. Par la suite, seize pompiers sont exclus, dix le seront à titre définitif. « Nous étions loin de nous douter qu'un gouvernement socialiste pouvait nous infliger de telles sanctions. » Le choc est rude. Dans les familles de pompiers, c'est un séisme. « On perdait l'équivalent de 1 500 à 3 000 francs par mois ! Nous avions été reclassés dans des services de la ville : nous étions tous deux aux espaces verts. » Les deux soldats du feu n'ont qu'une quarantaine d'années, mais déjà leur carrière est finie. Heureusement, la solidarité est intacte. Les pompiers se cotisent pour aider leurs compagnons exclus.
Hier, c'est avec émotion qu'ils ont découvert le livre consacré à cette page capitale de l'histoire de la CGT lorientaise (Ouest-France du 3 février 2016). « Deux des pompiers exclus étaient absents de la manifestation, tous étaient élus CGT. Ils ont été exclus pour désobéissance en longue durée, rappelle Michel Le Mestrallan, qui a écrit le livre. La décision était prise depuis longtemps de faire un exemple avec Lorient. »
Ce n'est qu'en 1988 que les pompiers lorientais bénéficieront d'une amnistie et seront réintégrés « à la suite d'un long combat entre 1985 et 1988 ». La page est tournée. Avec ce livre, elle appartient désormais à la mémoire des pompiers de Lorient.

Le conflit des sapeurs-pompiers de Lorient 1985-1988, Michel Le Mestrallan. 10 €, en vente à l'Union départementale de la CGT, boulevard Cosmao-Dumanoir.