lundi 2 juin 2025

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Un « État palestinien »… ou un bantoustan colonial ?

Dimanche 25 mai, une vingtaine d’États européens et arabes, dont la France, se sont rassemblés à Madrid pour déclarer qu’ils étaient prêts à « reconnaître l’État de Palestine ». Macron a même déclaré, le 30 mai, que c’était un « devoir moral » de reconnaître un État palestinien ! Rien que ça ! Après plus d’un an et demi de génocide dans la bande de Gaza, au cours duquel Macron n’a eu de cesse de réprimer et d’accuser « d’antisémitisme » celles et ceux qui manifestaient leur solidarité avec le peuple palestinien, la solution ne résiderait donc pas dans la rupture des relations diplomatiques et commerciales avec Israël, mais dans la reconnaissance d’un « État palestinien ».

Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a répondu de façon cinglante : « Un message clair à Macron et ses amis : ils reconnaîtront un État palestinien sur le papier, et nous construirons ici l’État juif sur le terrain. […] Le papier sera jeté à la poubelle de l’histoire et l’État d’Israël prospérera et fleurira. » Comment s’étonner de cette arrogance d’un État qui, depuis 80 ans, s’assied sur toutes les prétendues « règles internationales »… à géométrie variable selon les intérêts des puissances impérialistes !

La gauche unie avec Macron pour « reconnaître un État palestinien »… La droite et l’extrême droite retournent leur veste

Il n’empêche, la gauche, de LFI au PS en passant par le PCF, reprend désormais cette revendication à son compte. Mathilde Panot s’est félicité des déclarations de Macron : « Enfin. Ce geste, arraché de haute lutte, ne doit pas rester un mot. Il doit se traduire en acte. » Le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares (socialiste), est allé jusqu’à évoquer la « suspension immédiate » de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, et même des sanctions individuelles contre des personnalités « faisant barrage à la création d’un État palestinien viable, comme le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou ». Diantre !

Du côté de la droite et de l’extrême droite, désormais totalement alignées derrière Netanyahou et sa bande de suprémacistes, « reconnaître un État palestinien, c’est reconnaître un État Hamas », comme l’a déclaré Marine Le Pen. Une position… qui tranche avec celle qu’elle défendait en 2012 dans son programme présidentiel, où elle réclamait la reconnaissance d’un État palestinien.

Mais de quel « État » parle-t-on ?

Tout d’abord, les États rassemblés à Madrid l’ont rappelé : cet État devra « normaliser ses relations avec Israël » et procéder au « désarmement du Hamas » afin d’apporter des « garanties de sécurité pour Israël ».

En imposant le « désarmement du Hamas » et des « garanties de sécurité pour Israël », ces États veulent s’assurer de qui dirigerait ce potentiel État palestinien. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ? Elle est en réalité discréditée, y compris en Cisjordanie. Et ce sont les États réunis à Madrid, et non les Palestiniens, qui voudraient choisir qui dirigera cet hypothétique État palestinien.

Au-delà de ce fait, apporter des « garanties de sécurité pour Israël » signifie que la condition même pour la reconnaissance de cet État palestinien est… la reconnaissance de l’État israélien.

L’État israélien est né de la partition de la Palestine orchestrée par les sionistes soutenus par les impérialistes en 1947. À l’issue des différentes guerres menées par cet État contre les États arabes et surtout contre le peuple palestinien, les territoires palestiniens, appelés par l’ONU « Territoires palestiniens occupés », se retrouvent divisés en deux territoires disjoints : la bande de Gaza, d’une superficie de 365 km2 pour une population de plus de 2 millions d’habitants, et la Cisjordanie, d’une superficie de 5860 km2 pour 3,5 millions d’habitants. À comparer aux 21 937 km2 occupés par l’État israélien, pour une population de 10 millions.

De plus, du fait de la politique d’expulsion menée par l’État israélien depuis 1947, le peuple palestinien se trouve éclaté, morcelé, entre les réfugiés vivant à l’intérieur de Gaza ou de la Cisjordanie, les réfugiés vivant dans des pays voisins, les Palestiniens vivant dans les frontières d’Israël considérés comme « Arabes israéliens » (et citoyens de seconde zone discriminés au sein de l’État israélien).

Carte des colonies israéliennes (en orange) en Cisjordanie (sources : ministère palestinien de la Planification et de la Coopération internationale)

Il y a 30 ans, les accords d’Oslo avaient déjà fait miroiter la reconnaissance d’un « État palestinien ». Des accords au cours desquels la principale organisation représentant les Palestiniens, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par Yasser Arafat, avait accepté la reconnaissance de l’État israélien. S’en est suivie la création de « l’Autorité palestinienne ». Et la Cisjordanie a été de plus divisée entre des zones « A, B, et C », où en réalité c’est l’État israélien, par le biais des colonies, qui exerce le pouvoir, et où « l’Autorité palestinienne » est réduite au rôle de supplétif œuvrant contre la résistance du peuple palestinien. Dans les faits, la vie des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie s’est considérablement dégradée après ces accords, dont le seul résultat a été d’affermir l’autorité de l’État colonial israélien sur ces territoires.

Mais ce peuple aspire à vivre, et à avoir ses droits. Ces aspirations sont en réalité incompatibles avec le maintien de l’État colonial israélien comme il est incompatible avec le maintien des frontières actuelles de la région. Aucune solution ne pourra venir d’une « reconnaissance d’un État palestinien » par les impérialistes : elle ne pourra venir que de la mobilisation révolutionnaire des peuples de la région.

Aurélien Pérenna


Territoires palestiniens occupés après les accords d’Oslo : en rouge, la « zone A » officiellement sous contrôle de l’autorité palestinienne ; la « zone B » sous contrôle militaire israélien, et en hachurée la « zone C » totalement administrée par Israël (source Wikipedia)