jeudi 1 août 2024

COCO

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L’été costarmoricain : du « coco de Paimpol » au Champagne, Attal veut sabrer les repos

Photo : Ibrahima Diallo, docteur en sociologie et ingénieur de recherche au Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux.

Du champagne au « coco de Paimpol », le gouvernement par intérim légifère à coups de décret dans le plus grand secret pour faire bosser 7 jours sur 7.

La règle générale qui régit le droit du travail est le Code du travail et non le Code rural. Mais le gouvernement Attal, jugeant le sujet de la plus haute importance pour les valeurs culturelles de la France – pinard et haricots – a publié le 10 juillet dernier un décret sur le temps de travail des saisonniers. Pas toutes et tous, mais déjà ceux qui travaillent dans le secteur agricole sur des productions classées AOP (appellation d’origine protégée) ou IGP (indication géographique protégée), donc les vendangeurs ou les productions qui se récoltent à la main.

Moins connu que le champagne, c’est aussi le cas du « coco de Paimpol », haricot sec bénéficiant d’un AOP. Les conditions de travail, et surtout de rémunération, des « plumeurs » (ainsi sont nommés les travailleurs qui ramassent le coco) font pourtant l’objet d’un suivi attentif et obstiné de syndicalistes locaux, notamment de la CGT, et de plusieurs bagarres. Elles font aussi couler beaucoup d’encre du côté des revues et journaux de la paysannerie bretonne, syndicat FDSEA en tête. En 2017, il avait fallu une âpre négociation pour obtenir ce qui n’est que le minimum du Code du travail : respect du SMIC horaire et repos hebdomadaire. Pas du goût du gouvernement « démissionnaire » qui a donc repris à son compte, sous forme de décret, deux propositions de loi émises par LR et… le RN, qui étaient restées dans les limbes.

Sur demande de Bernard Arnault ?

Le gouvernement vient d’ajouter deux choses à l’article R. 714-10 du code rural et de la pêche maritime (jusqu’où va-t-on pêcher des entorses au code du travail pour des haricots secs ?) :

  • « Sont considérées notamment comme des travaux dont l’exécution ne peut être différée au sens du V de l’article L. 714-1, les récoltes réalisées manuellement en application d’un cahier des charges lié à une appellation d’origine contrôlée ou une indication géographique protégée et imposées par arrêté conformément aux articles L. 641-7 et L. 641-11.
  • « Le repos hebdomadaire des salariés peut être suspendu une fois au plus sur une période de 30 jours. »

À notre connaissance, jusqu’à présent, ni les exploitants agricoles, ni leur syndicat, ni la Coopérative les Maraîchers d’Armor n’ont demandé à l’administration de suspendre le repos dominical de leurs salariés saisonniers. Bien plus que les producteurs d’haricots, ces sont les possesseurs des grandes marques de champagne qui, entre deux verres, ont inspiré nos gouvernants. Il faut dire qu’une dérogation au Code du travail sur les repos hebdomadaires existait déjà pour eux « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux qui ne peuvent être différés ». Mais le motif restait trop vague à leurs yeux puisqu’en 2021 la société des champagnes Moët-Hennessy s’était vue condamnée à une amende de 17 000 € pour non-respect de la durée minimale de repos hebdomadaire de ses vendangeurs. À comparer à la fortune du patron de Moët Hennessy, Bernard Arnault, 180 milliards pour se tourner les pouces 7 jours sur 7 ; mais il a le bras long.

CGT et FO se sont déclarées opposées à la nouvelle règle, mais CFDT et CFTC se sont empressées de s’en montrer favorables : le responsable CFDT de la fédération de l’agriculture jugeant « qu’il peut être positif de travailler moins chaque jour, mais sur plus de jours ».1

Fin du repos dominical

Mais revenons à nos haricots. Même le « travailler moins chaque jour » du bonze syndical relève du mensonge, surtout dans un travail uniquement saisonnier, avant de retourner au chômage, où la paie reste en grande partie liée à la quantité de haricots ramassés. L’accord conventionnel actuel sur le coco de Paimpol maintient toujours une clause de paiement du salaire à la tâche : « Concernant la récolte des haricots demi-secs, dits Cocos de Paimpol, et la récolte des pois potagers, le salaire brut à l’unité (kg) est obtenu par référence à une durée de travail de 7 heures pour lequel un rendement moyen de 120 kg doit être récolté ». Mais avec, et ce fut l’objet des bagarres, le respect au moins du smic horaire : « La rémunération ainsi perçue ne doit jamais être inférieure à celle qui aurait été perçue si le salarié avait été rémunéré au temps ».

Quant au travailler « sur plus de jours », fini le temps de repos hebdomadaire : c’est l’objectif même du décret. Il permet désormais aux patrons des exploitations de faire travailler légalement les plumeurs au moins un dimanche sur une période de 30 jours. Avec d’autres incidences sur la rémunération : même si le respect au moins du smic avait été imposé par l’accord de 2017, le salaire brut était calculé à l’unité (au kilo récolté). Le tarif du kilo étant fixé par référence à une durée de 7 heures par jour pour avec un rendement de 120kg récoltés. La rémunération ainsi perçue ne doit jamais être inférieure à celle qui aurait été perçue si le salarié avait été rémunéré au temps, et elle est indexée automatiquement en fonction de l’évolution du Smic et tient compte de l’indemnité de congés payés.

Une paie inférieure au Smic horaire

Par contre, les salaires versés ne tiennent pas compte des éventuelles heures supplémentaires effectuées par le plumeur. Or la suppression du repos dominical entraîne l’exécution d’heures supplémentaires. Travailler 7 jours sur 7 conduit à effectuer 49 heures en une semaine (la durée maximum autorisée hebdo est de 48 heures).

De plus, travailler en plein air en période de forte chaleur, voire de canicule, comporte des risques pour la santé des salariés. Le coco ne se ramasse pas sous la pluie battante… seul peut-être Gabriel Attal l’ignore, ce premier ministre en fin de CDD ? La FDSEA et la coopérative qu’elle chapeaute, vont-elles réduire le repos dominical, aggravant ainsi les conditions de recrutement des saisonniers (dont la grande majorité, n’en déplaise aux racistes franchouillards, sont des travailleurs immigrés) ? Les conséquences de conditions de travail dégradées se retrouvent aussi dans le vignoble, où six salariés sont décédés l’an passé.

Correspondant (avec l’aide juridique des militant(e)s de CGT Guingamp)

 

 


 

 
1  Cf. Le Monde du 31 juillet 2024. https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/29/temps-de-travail-les-vendanges-sept-jours-sur-sept_6260966_823448.html