Dans les hôpitaux : métro-boulot-Hublo
- Publication le 21 octobre 2023
L’hôpital manque de personnel ? Il passe par Hublo. Un agent manque de sous pour finir le mois ? Il passe par Hublo pour faire de l’intérim sur ses jours de repos ! La vie est bien faite… pour Hublo.
Cette boîte digitale, qui reprend tout des codes de l’intérim, est spécialisée dans la gestion des ressources humaines à l’hôpital. Ayant vocation à lutter contre l’« absentéisme », cette application est surtout utilisée par les hôpitaux, les cliniques et les Ehpad pour pallier le sous-effectif permanent. Mais plutôt que d’augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail pour suppléer les 15 000 postes infirmiers qui étaient à pourvoir fin 2022, faisons travailler jusqu’à la moelle ceux qui travaillent déjà !
Issu de la fusion de deux start-ups, Whoog et Medgo, Hublo a largement profité du contexte de pénurie de main-d’œuvre hospitalière et de la crise sanitaire pour devenir indispensable aux établissements de santé, à qui elle a offert « gracieusement » ses services au plus fort de la pandémie. La jeune pousse est devenue mastodonte : plus de 3 000 hostos l’utilisent. Gourmande, elle a récemment racheté l’entreprise concurrente Mstaff et vise à conquérir l’Europe. Puisque c’est la m… partout, il n’y a pas de frontière pour les bonnes affaires !
Mais Hublo n’a rien de ces boîtes d’intérim auxquelles l’hôpital, notamment public, fait très souvent appel. Il se pose même en concurrent de l’intérim puisque, depuis sa création, 76 % des hôpitaux disent y avoir moins recours. L’innovation de Hublo consiste à mettre en lien des soignants avec les hôpitaux : il suffit à un établissement de poster une annonce pour les soignants du « réseau » qu’il a constitué au sein de l’application, et ceux-ci n’ont plus qu’à valider leur mission de remplacement. C’est l’ubérisation de la santé.
Et pour les contrats ? Si Hublo propose, en lien avec l’établissement, une simplification de la rédaction du contrat journalier, rien ne l’oblige à le fournir. Contrairement à l’intérim où le contrat et le salaire sont fournis par l’agence, ici le soignant en vacation est payé par l’hôpital (et s’il fait des missions à droite et à gauche, c’est la loterie pour savoir quand va tomber le salaire de chaque mission), et c’est l’hôpital qui doit lui fournir le contrat. Alors, quand les RH sont en vacances, il arrive que le vacataire se retrouve à travailler sans contrat… Mais ça, ce n’est pas le problème de Hublo.
Ce n’est pas non plus son problème si les missions ne sont pas pourvues, comme c’est le cas pour 34 % d’entre elles. Personne pour le remplacement ? Aux agents présents d’assumer le travail en sous-effectif avec les risques qu’il comporte. Si l’agence d’intérim doit, pour rester attractive, fournir le personnel demandé, Hublo, lui, ne doit de comptes à personne ! Dans le même esprit, il arrive que les missions postées ne correspondent pas au poste à remplacer. Surprise pour le soignant ou l’étudiant en vacation, et s’il n’a pas la formation nécessaire, qui va vérifier ? Le patient sur qui les soins seront effectués ?
Et puisqu’un salarié d’un hôpital peut effectuer des missions supplémentaires – donc des heures supplémentaires – en passant par Hublo, qui va vérifier qu’il ne dépasse pas le plafonnement des heures sup’ ? Au vu de l’état des salaires et de l’inflation, les soignants pourront travailler sept jours sur sept sans que personne ne les en empêche !
À ses débuts, l’application ne faisait pas l’unanimité pour le personnel des hôpitaux. À l’hôpital de Vierzon, le recours à Whoog (aujourd’hui Hublo) a été justifié par la direction comme un moyen pour ne plus avoir à « intimider » les soignants pour les forcer à faire des remplacements.
Comble du cynisme, Hublo a mené sa propre enquête sur le mal-être au travail des salariés du secteur. Cette enquête pointe très clairement le sentiment unanime que les conditions de travail sont extrêmement dégradées, mais aussi que les salariés de santé se sentent peu écoutés. Sur sa page internet, l’entreprise se vante même de « simplifier le quotidien des professionnels de santé, pour qu’ils se concentrent, eux aussi, sur leur mission : prendre soin des patients ». Hublo se prétend donc très généreux d’offrir aux hospitaliers la liberté de sacrifier eux-mêmes leur temps libre et d’organiser leur planning selon leurs souhaits… mais de quelle liberté parle-t-on, quand ce sont en fait les bas salaires, bloqués pendant des années puis trop peu revalorisés, qui poussent les salariés, pourtant déjà à bout, à prendre sur leur temps libre ? Et l’augmentation des prix les pousse encore davantage à ces « extras » épuisants.
Un jour de repos est un jour de repos. C’est des hausses de salaire qu’il faut !
Branche santé du NPA