Hebdo L’Anticapitaliste - 584 (30/09/2021)
Assurance chômage : « Les plus impactés par la réforme seront les plus précaires »
Entretien. Le 1er octobre est la date de l’entrée en vigueur de la contre-réforme de l’assurance chômage, qui va encore un peu plus dégrader les conditions d’indemnisation des chômeurEs. À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec Simon, qui fut l’un des occupantEs de l’Odéon au printemps dernier lors de la mobilisation exigeant la suppression de cette contre-réforme.
Peux-tu
revenir sur les principales dispositions de la réforme de l’assurance
chômage que le gouvernement compte mettre en œuvre au 1er octobre ?
Les principales
dispositions de la réforme de l’assurance chômage doivent, selon le
gouvernement, être mises en œuvre en deux temps. Tout d’abord, au 1er octobre
c’est le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) qui
doit changer. Ce changement concerne 1,15 million de chômeurs et
chômeuses qui vont voir leurs droits baisser de manière significative à
partir de cette date. Les plus impactéEs par ce changement de mode de
calcul seront celles et ceux qui, parmi les privéEs d’emploi, sont déjà
les plus précaires, notamment toutes les personnes qui ont un emploi
discontinu (saisonnierEs, travailleurs et travailleuses dans
l’événementiel, guide conférencierEs…).
Le deuxième temps se fera à partir du 1er janvier, où, là, c’est le durcissement du seuil d’accès aux indemnités qui va entrer en jeu. Avec cette mesure ce sont au moins 500 000 chômeurs et chômeuses qui vont sortir du système d’indemnisation. Ce sont aussi 50 000 cadres qui verront baisser leurs indemnisations à cause de la dégressivité mise en application au 1er janvier également.
Face aux mensonges gouvernementaux, peux-tu donner quelques éléments sur la réalité du chômage aujourd’hui ?
Depuis la rentrée,
plusieurs déclarations ont été faites par le gouvernement à travers la
voix de sa ministre du Travail, Élisabeth Borne. Tout d’abord elle nous
ressert la soupe du « chômeur/profiteur » qui vivrait mieux au chômage
qu’en travaillant, et que c’est pour ça qu’il ne cherche pas de travail.
Tout d’abord il ne faut pas oublier qu’en France, près de 6 chômeurs ou
chômeuses sur 10 ne sont pas indemnisés. Ensuite, plusieurs enquêtes
menées par les syndicats et associations de chômeurEs montrent que le
revenu mensuel moyen des indemnités se situe en dessous du seuil de
pauvreté. Quand on vit avec 500 euros ou moins par mois, il est en effet
difficile de chercher du travail. Comment consacrer une partie de son
temps à la recherche d’un emploi lorsque chaque jour est une survie ?
Ensuite, Mme Borne nous dit qu’il y a plus d’un million d’annonces d’emploi non pourvues à ce jour. Après étude, notamment par le comité de chômeurs CGT, près de 60 % des offres sur le site poleemploi.fr sont soit inexistantes, soit mensongères soit illégales. On est donc très loin des propos avancés par la ministre du Travail.
En
juin dernier, le Conseil d’État avait suspendu les règles de calcul du
montant de l’allocation chômage prévues par le gouvernement en raison
des incertitudes pesant sur la situation économique. Quelle est la
position du pouvoir aujourd’hui ?
Aujourd’hui le
gouvernement veut faire passer cette réforme quoi qu’il arrive, sans
respecter la décision du Conseil d’État. Bien sûr, ils ont revu une
partie de leur copie suite à la décision prise par le même Conseil
d’État fin juin, du fait des recours juridiques déposés par plusieurs
organisations syndicales et associations de chômeurs et chômeuses, mais
il ne sont pas revenus sur le fond de cette réforme qui doit faire faire
à l’État plusieurs milliards d’euros d’économie sur le dos des plus
précaires, quand l’État continue les cadeaux fiscaux et les perfusions
financières aux grandes entreprises.
Les confédérations syndicales semblent vouloir de nouveau saisir le Conseil d’État. Sur quelles bases ?
Tout d’abord parce
que cette réforme est indigne et que dans la période que nous vivons
actuellement il faudrait se pencher sur une vraie politique de l’emploi
et de l’indemnisation des privéEs d’emploi plutôt que de les condamner à
encore plus de précarité. Cette réforme avait été rédigée à une période
où il semblait y avoir un mieux au niveau de l’emploi, mais la
situation économique n’a pas changé, il n’y a aucune amélioration des
chiffres du chômage. Seule un légère diminution des chômeurs et
chômeuses de catégorie A, mais qui n’est en rien significative, permet à
l’État de s’appuyer pour faire passer sa réforme « quoi qu’il en
coûte ».
En
dehors de cette bataille juridique, quelles ripostes sont en
préparation par les organisations syndicales, les organisations de
chômeurSEs ?
Il est et a
toujours été très difficile de mobiliser sur le thème de l’assurance
chômage. Tout d’abord parce qu’il est difficile de mobiliser les
chômeurs et chômeuses, et aussi parce que c’est une problématique qui a
du mal à s’ancrer dans le monde du travail. Pourtant, cela n’aura
échappé à personne, nous ne sommes plus dans une situation de plein
emploi. Aujourd’hui les carrières longues dans une seule et même
entreprise se font de plus en plus rares et de plus en plus de
travailleurs et travailleuses se retrouvent confrontés au chômage à un
moment ou un autre de leur parcours professionnel. De plus, dans la
situation actuelle, il est primordial de comprendre que de bonnes
conditions d’indemnisation chômage permettent aux personnes qui ont un
emploi de négocier de bonnes conditions de travail. En effet lorsqu’un
travailleur ou une travailleuse sait que le solidarité
interprofessionnelle va le ou la prendre en charge en cas de perte
d’emploi ou d’emploi discontinu, alors il ou elle n’accepte plus de
travailler à n’importe quel salaire et dans n’importe quelles
conditions.
Pour ce qui est de la mobilisation, nous avons vu, suite à l’occupation du Théâtre national de l’Odéon, plus de cent lieux de culture occupés au printemps pour exiger le retrait de cette réforme. Cette mobilisation a permis de soutenir les différents recours devant le Conseil d’État et a vu, au mois de juin, le report de l’application de la réforme au 1er octobre. De cette mobilisation est née un mouvement national qui s’appelle « Occupons partout ». Depuis la rentrée, un peu partout en France, les assemblées générales de ce mouvement ont eu lieu pour réfléchir aux modes d’actions à mettre en œuvre contre cette réforme. À Paris, la première AG a eu lieu à l’appel de ce mouvement et de la CGT-Spectacle le 6 septembre. Une autre a eu lieu ce lundi 27 septembre. Plusieurs autres actions sont organisées. Ce lundi, par exemple, des militantEs d’association de chômeurs (APEIS), du comité national de chômeurs CGT et d’Occupation Odéon se sont rendus à l’agence Pôle emploi de Vitry-sur-Seine pour y interpeller la ministre du Travail, qui venait y faire une opération de communication. Cette semaine, jusqu’au 1er octobre, devrait être une semaine d’animations et d’actions autour de cette réforme, et ce au niveau national.
Bien sûr le prochain grand rendez-vous que nous avons est la manifestation du 5 octobre.
Propos recueillis par Robert Pelletier.