lundi 26 octobre 2020

CHARLIE

« Charlie » : Liberté, égalité… fraternité ?

  

Dans le désastre idéologique ambiant autour de la mort de Samuel Paty et des ses circonstances,il n'est pas inutile de prendre un peu de temps et de raisonner avec nos têtes.Loin de l'emballement médiatique de politiciens qui surfent encore une fois sur l'émotion. 

Nous précisons que le présent texte n'est pas issu des rangs du NPA, il n'en perd cependant pas sa légitimité.Et nous remercions son auteur d'en permettre la diffusion.

(le blog).

 

    A-t-on le droit de dire qu'on est horrifié par la décapitation de Samuel Paty,  inquiet de la montée de l'islamisme et, « en même temps », révulsé par certains contenus de Charlie Hebdo et, surtout, par le fait qu'on veuille nous les imposer comme des symboles de la liberté d'expression ; révulsé par le fait que quiconque « n’est pas Charlie » soit taxé d’ « islamo-gauchiste » ? 

Eh bien non, je ne suis pas Charlie et suis révulsé par ce terme (qui fait sinistrement écho à celui de « judéo-maçonnique »), si utile pour jeter dans dans la même poubelle le poison de l’islamisme d’une part, et de l’autre les valeurs de justice sociale, de fraternité, de respect de la diversité des cultures et des croyances (la laïcité). 

Que, dans le cadre légal commun, Charlie Hebdo - vendu librement, que chacun est libre d’acheter ou non - fasse toutes les unes qu'il veut sans être censuré, relève effectivement de la liberté d’expression. Mais imposer ses dessins dans l’espace public à ceux qu’ils visent délibérément à choquer dans leurs croyances et leurs valeurs, cela n’a rien à voir avec la liberté, et encore moins avec la fraternité. La liberté n’est-elle pas aussi de ne pas lire ce qu’on ne veut pas lire, de ne pas regarder ce qu’on ne veut pas regarder ? 

Qu'un enseignant laïque impose à des adolescents un dessin représentant Mahomet nu, en position de prière, tendant ses fesses marquées d'une étoile comme une cible pour la sodomie ; qu'un enseignant de l’école publique en vienne à exclure moralement certains élèves en leur « permettant » de fermer les yeux, cela est-il compatible avec la laïcité ? Je ne parviens pas à l’admettre. Moi qui, comme Samuel Paty, ai été enseignant public, moi qui suis pourtant, définitivement athée, je n'appelle pas « caricature » une telle image. Une caricature est supposée éveiller l’esprit critique en dénonçant des travers, qu’elle accentue. Quels travers dénonce cette image : quels combats philosophiques, politiques, sociaux, sociétaux, porte le dessin ? Que voit-on  sinon la volonté de choquer par l'obscène ?

Oui, Samuel Paty est la victime atroce d'un jeune homme fanatisé (on ne nait pas fanatique) par le fascisme islamique en pleine expansion. Et oui, il faut lutter contre cette idéologie mortifère. Mais il faut aussi se demander ce qui dysfonctionne à ce point dans notre société pour qu’un professeur aimé de ses élèves, pleinement investi dans notre métier – qu’ « on » dit facilement noble et dont, souvent, « on » oublie combien il est difficile - en arrive à présenter à ses élèves, comme symbole de la liberté d’expression, une image vide de sens, dont il sait qu’elle va profondément blesser certains d’entre eux.

Ce qui dysfonctionne ? La déchéance de notre classe politique s’alliant aux pires régimes ; à Israël, cet Etat d’apartheid qui viole impunément le droit international depuis plus de 70 ans ; à l’Arabie saoudite, son nouvel allié, cette dictature inspirée par l’obscurantisme wahhabite qui finance la terreur islamiste, traite les femmes comme des êtres inférieurs, pratique la torture et massacre des populations entières avec des armes françaises (Bravo M. Le Drian !) ; un gouvernement dont la police peut, en toute impunité, crever les yeux, arracher les mains, tuer des manifestants qui croyaient à… la liberté d’expression… 

Une classe politique qui a laissé s’épaissir le terreau social de l’islamisme et qui se réveille périodiquement lorsque l’horreur du sang versé lui offre de quoi manipuler l’opinion publique à coup de déclarations indignes, dans l’unique but de se faire (ré)élire. Ce qui dysfonctionne ? 

Des média à l’unisson brandissant Charlie hebdo comme le parangon des valeurs républicaines, une pensée unique interdisant de ne pas trouver drôle ce journal, de le trouver opportuniste, haineux, sexiste et arabophobe. 

Ce qui dysfonctionne ? Une société où le citoyen n’est qu’un consommateur potentiel et où l’espace public envahi par la publicité nous a habitués à regarder passivement des images trompeuses. 

Aujourd’hui, une autre ligne rouge, hautement symbolique, vient d’être franchie : c’est l’Université elle-même qui est insultée par le ministre de l’Éducation. La Déclaration universelle des Droits de l’homme nous invite à résister aux rouleaux compresseurs des ostracismes. De tous les ostracismes. Résistons. Ensemble


Jean-Do ROBIN, 25.10.2020