NPA 34-Catalunya Infos en continu.
Paroles de bourgeois catalan sur le désastre indépendantiste…
Ils le disent eux-mêmes…la faute (pour partie) à Rajoy ! Il a fait monter l’indépendantisme !
Ce
n’est pas que ce soit parole d’évangile mais les ennemis du peuple ont,
hélas souvent, la lucidité qui fait parfois défaut dans notre camp… Le
fait est que le professeur catalan Antón Costas, au détour d’une phrase
de l’entrevue que publie aujourd’hui le site El
Confidencial, parle d’or. Ancien président du cercle de l’Economie, qui,
comme en France, notre Cercle des Economistes, sent en effet son
idéologue patronal néolibéral, il nous dit toute la détestation que la
bourgeoisie catalane éprouve envers l’indépendantisme. De quoi, au
passage, prendre à revers certaines analyses mécanistes et hors sol sur
la bourgeoisie « catalaniste » (1), dont on a bien vu que son
intérêt…ni catalan, ni catalaniste mais capitaliste, était de mettre les
voiles, loin d’une Catalogne rebelle, pour faire jonction, ou plutôt
maintenir la jonction avec l’espagnolisme ultrabourgeois et
anticatalaniste.
Mais passons, et venons-en au seul
reproche que notre homme fait à Madrid dans la crise actuelle…en
remontant quelques années en arrière. Lisons sa formule abrupte : quel
reproche ? « La sentence du Tribunal Constitutionnel de 2010 qui annule
une partie d’un Statut [celui, réactualisé, de
l’Autonomie catalane] qui avait été voté par les Catalans, approuvé par
le Parlement catalan et rectifié et approuvé par le Congrès des Députés [espagnol].
Ce qui n’arrive dans aucun endroit du monde c’est que, à la suite de
ça, un tribunal annule le Statut »… Ce qui n’arrive dans aucun endroit
du monde… Et dire qu’en France, certains pensent que la démocratie
espagnole agit exemplairement dans le cas catalan ou, plus en veilleuse,
comme il faut ! Mais, alors que, devant l’insistance du journaliste à
lui faire préciser ce qu’il trouve peu convainquant, notre homme
s’énerve, il ajoute : « Comme j’étais en train de vous le dire, l’anulation d’une partie de l’Estatut par le Tribunal Constitutionnel,
à quoi s’ajoutent d’autres choses dont je vais vous parler, explique
les 48% d’indépendantisme du moment. Il y a une loi en économie, le
théorème de Thomas, qui explique que ce qui se perçoit comme réel a des
conséquences réelles. La sentence du Tribunal Constitutionnel a créé un
malaise diffus qui a rendu service à l’indépendantisme, même s’il
n’avait pas voté le Statut, pour alimenter l’idée qu’il n’était pas
possible de rien espérer du Gouvernement de l’Espagne. Ensuite il y a la
crise [de 2008], les coupes sombres [l’austérité] et le malaise dans toute la société que l’Assemblée Nationale Catalane [ANC]
utilise pour lever la bannière d’une utopie qui est l’indépendance. »
Et pour finir d’enfoncer le clou de façon assez agressive vis-à-vis de
celui qu’il perçoit comme son contradicteur : « Je vous ai dit que ce
qui n’a lieu dans aucun Etat démocratique c’est que le Tribunal
Constitutionnel intervienne après que se soit exprimée la souveraineté
populaire ». Plus clair, tu meurs !
Alors, bien sûr, cette vérité de la nature antidémocratique du régime de 78, n’amèneAntón
Costas qu’à défendre implicitement qu’il fallait continuer à « piéger »
le sentiment national catalan dans le système des Autonomies qui avait
fait ses preuves pour désamorcer ce qu’il avait d’historiquement
explosif. Quitte à faire les concessions qui conservaient l’essentiel, à
savoir l’unité chère aux héritiers de Franco et, dans ce cadre
centripète laissant de la bride à juste ce qu’il faut de dynamique
centrifuge, permettre que les affaires (y compris de corruption
mais, dans cette entrevue, on n’en dit mot)fonctionnent au grand bonheur
des élites… convergentes, sur le mode capitaliste, du centre et de la
périphérie ! Passant très vite sur l’importance de la crise de 2008 pour
comprendre que les marges de manoeuvre politique s’en trouvent
complètement déstabilisées, ce dont témoignera la crise indignée de
2011, notre homme développe un discours du regret : celui que le bras
politique de la bourgeoisie espagnole et catalane, le PP, n’ait pas su
être raisonnable et ait eu ce recours catastrophique à l’autre bras de
la domination bourgeoise, le Tribunal Constitutionnel, contre le Statut
catalan.
Pour notre part,
le regret est évidemment ailleurs, dans la rencontre manquée entre la
question nationale et la question sociale pour que le peuple travailleur
de la Catalogne puisse, à partir de la seconde qui porte ses
revendications élémentaires, faire la jonction avec la première,
vis-à-vis de laquelle il est partagé, voire a priori
hostile, contrel’ennemi commun : le PP et ses alliés du PSOE et de
Ciudadanos !
Merci donc à Antón
Costas d’avoir fait un rappel important sur l’origine de la situation
que connaît actuellement la Catalogne et qui confirme bien des choses
que nous défendons ici. Si ce genre de rappel n’épuise pas le sujet, il
permet de le poser sur ses pieds. Pour essayer de repartir du bon (nous
parlons bien de pied!).
(1) Par rapport à la
dimension bourgeoise qui serait celle de la revendication catalaniste,
nous ne résistons pas à l’idée de reproduire ces lignes du professeur
sur le président de la Catalogne, qui est, rappelons-le, le plus haut
dirigeant de la droite catalaniste :[Carles Puigdemont]
a perdu les pédales, il a perdu les pédales. J’ai eu de bons rapports
avec lui, un rapport personnel, mais le jugement que j’émets aujourd’hui
est politique : il a perdu le sens de l’orientation sur le terrain où
il se meut. […] Je crois que Carles Puigdemont a
quelques phobies et l’une d’elles vise la bourgeoisie catalane. Il
méprise les élites. Typique du populisme. »
Si on
comprend bien…la droite catalane, a priori donc bourgeoise, aurait porté
à sa tête un phobique antibourgeois ? Moins convainquant que le reste
dont nous avons parlé mais avec toujours, dans ce cas paradoxalement, un
grain de vérité : la question nationale catalane a un rapport à la
bourgeoisie autochtone (mais est-ce bien le mot ?) mais aussi au peuple
travailleur complexe. Plus complexe que ce que l’on en lit par exemple
chez certains marxistes ou marxologues se penchant sur la Catalogne…