Fermeture de la trésorerie : ça sent le sapin… Michel !
Jeudi 7 Avril (2016), le maire Gérard Le Caër a convié les présidents des EPCIs(1) du Pays de Bégard, de Belle-Isle-en-Terre et de Callac – Vincent Clec'h, Dominique Pariscoat et Jacques Le Creff, les maires et élus municipaux des...
... communes de ces territoires, les Conseillers Départementaux, Christian Coail et Cinderella Bernard, la Députée Annie Le Houérou et le Sénateur Yannick Botrel, afin, d'une part, d'entendre les arguments de Stéphane Halbique,
le Directeur Départemental des Finances Publiques, quant à la fermeture
annoncée de la trésorerie de Bégard et, d'autre part, d'établir un plan
d'action pour lutter contre cette "décision porteuse d'un avenir qui s'assombrit de jour en jour sur nos campagnes" a déclaré le maire dans son courrier d'invitation.
Les contextes "technocratiques" du projet
Il
explique que depuis 2003-2004, la direction des finances publiques
connait des suppressions d'emplois importantes. Trente mille (30.000)
emplois auraient été perdus. "Nous étions 140.000 et aujourd'hui, nous sommes 110.000". Ce seraient des départs à la retraite non remplacés, décidés par le Parlement, les sénateurs, "quelle que soit la couleur politique. Décidées
à Paris, ces suppressions doivent trouver une traduction sur le plan
local, dans chaque département, chaque arrondissement, chaque canton".
Selon lui, si jusqu'en 2009-2010, ces suppressions d'emplois avaient un
lien avec des gains de productivité liés à la dématérialisation, aux
démarches par internet, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
En revanche, poursuit-il, "nous
connaissons des restrictions budgétaires extrêmement importantes ; Vous
connaissez la situation des finances publiques ! Nous avons connu
depuis cinq ans, une réduction budgétaire de 25%. Le budget
départemental qui était de 4.500.000€ hors payes, est passé à
3.200.000€. Et puis, vous le savez bien, nous avons un certain nombre de
démarches pour lesquelles, c'est le client qui fait le travail :
télé-déclaration, télépaiement où là, c'est la banque qui travaille pour
le compte de l'État".
Selon lui, dans les Côtes d'Armor, depuis 2009, 165 emplois ont été perdus. "De
965 nous sommes passé à 800 agents au 1er janvier 2016. Nous avons
perdu 21 emplois en 2015, c'est l'équivalent de 4 centres des finances
comme Bégard. Tous les ans, c'est entre 20 et 23 emplois qu'il nous faut
faire disparaître".
Une réalité de statisticiens
"Quelle est la réalité de l'implantation des finances publiques dans les Côtes d'Armor ? ", interroge Stéphane Halbique qui se répond. "Nous
avons 800 emplois implantés dans 30 communes du département ; Sept
concentrent l'essentiel des emplois : 620 emplois sur Lannion, Guingamp,
Paimpol, Saint-Brieuc, Lamballe, Dinan et Loudéac. Les 180 autres sont
répartis sur 23 communes, dont Bégard. Et dans ces 23 communes, il y en a
15 qui ont cinq agents et moins"… dont Bégard ! Il précise
par ailleurs que les Côtes d'Armor ont un centre financier pour 20.000
habitants alors que partout ailleurs en Bretagne, c'est un centre
financier pour 30.000 habitants. "Nous avons ici, sur Bégard, une présence 50% supérieure avec une population inférieure : environ 16.000 habitants" (NDLR
: Il parle de la population des collectivités dont les budgets sont
gérés par la trésorerie de Bégard, soit Pays de Bégard,
Belle-Isle-en-Terre, soit 93 budgets avec ceux de quatre syndicats). "Dernier élément, poursuit-il, la
concentration mesurée de la visite du public à nos services… plus de
80% des visites se font dans les services des impôts des particuliers,
c’est-à-dire à Guingamp".
Dans le descriptif de ce contexte, le locuteur évoque ensuite la loi NOTRe : "Il
y a aussi une évolution importante pour vous d'abord, mais pour nous
aussi, par ricochets, c'est l'évolution de la carte de
l'intercommunalité". Avec Pays de Bégard et Belle-Isle-en-Terre qui rejoignent l'intercommunalité de Guingamp, "et
le transfert mécanique de charges en dehors de l'opération de fermeture
de la trésorerie, nous évaluons l'impact à un peu moins d'un agent". Enfin, parlant du risque et inconvénients des petites structures comme celle de Bégard, Stéphane Halbique déclare, sous "l'avis" du directeur Philippe Sayer, "qu'il
est vrai que quand tout le monde est là, soit quatre personnes on peut
considérer que cela peut tourner. Pour autant, il n'y a pas la moitié
des jours dans l'année où l'équipe est au complet, à cause des vacances,
des maladies, de la formation professionnelle… et donc ils ne sont plus
que trois… voire deux… ce qui peut entrainer des fermetures aléatoires
par défaut d'un effectif suffisant pour tenir la caisse et assurer la
sécurité" (NDLR : Ce qui semble un peu beaucoup… cela ferait entre 28 et 42 jours de maladie ou de formation par agent - Voir analyse(4)).
"Nous sommes donc conduits à nous réorganiser"…
… en
déduit le Directeur Départemental des Finances Publiques ! Et cela
passe, explique-t-il, par la spécialisation d'un centre des finances
publiques dans la gestion hospitalière, par un désengagement de la
gestion comptable des HLM, par la fusion à l'intérieur d'un même
immeuble, de services qui font à peu près les mêmes métiers, par la
suppression à certains endroits, des opérations de caisse, par le
transfert du recouvrement de l'impôt – "c'est à dire qu'il faut aller à un centre des finances publiques un peu loin" – et ainsi de suite !
Revenant sur le cas particulier de Bégard, Stéphane Halbique s'explique : "Nous
n'avons pas voulu déshabiller Bégard en enlevant la caisse d'impôts et
la gestion des collectivités locales que l'on peut faire faire ailleurs…
ce que l'on propose, c'est une fermeture au 01 janvier 2017".
Et pourquoi Bégard ?
Et pourquoi Bégard ? "Parce que Bégard se trouve à courte distance de Guingamp, du moins en temps et en accessibilité, répond le Directeur Départemental qui considère par ailleurs le prochain départ en retraite de Philippe Sayer, "ainsi que celui d'une partie des agents" et les effets de la réforme territoriale.
Le
processus administratif qui a été engagé est le suivant : Envoi des
projets de fermeture à la Direction Générale des Finances fin 2015,
validation par le Ministre du budget et autorisations données en début
février d'entamer les démarches locales. "J'ai
alors tenu informé le Préfet, rencontré les députés, les sénateurs et
le Président du Conseil Départemental ; Je suis allé à la rencontre des
maires impliqués, puis à la rencontre des chefs de services, des agents
et des représentants du personnel… Les projets remonteront à la fin du
printemps pour une décision en automne" expose le Directeur qui ouvre une porte : "Il
y aurait une possibilité d'aménager cette fermeture en maintenant une
permanence, une fois par semaine, à Bégard, pour rendre des services
attendus" avant de conclure : "vous
voyez que nous vivons des contraintes importantes, et en tant
qu'administration de l'État nous devons nous réformer au niveau
départemental".
Pour ce qui est de la permanence, plus tard dans la réunion, François Le Marrec, le maire de Belle-Isle-en-Terre, dont la trésorerie fut fermée, précise : "On
avait une permanence d'une journée par semaine, qui est vite devenue
une demi-journée puis purement et simplement supprimée, ce qui a
entrainé un surplus de travail pour la mairie pour la gestion des cartes
de cantine, notamment ; Il a fallu créer une régie municipale pour
l'argent, avec les risques et l'insécurité consécutifs".
Pour Yvon Le Moigne, "service public et calculette ne font pas bon ménage"
En deuxième argument, Yvon Le Moigne invoque la cohérence : "Il y a encore quelques mois, d'éminents représentants du gouvernement en charge des territoires (NDLR : Marylise Lebranchu entre autres), sont venus dans nos communes, nos cantons, nos départements pour faire l'éloge de la ruralité (NDLR : C'était dans le cadre des Assises de la ruralité – Lire les conclusions ICI (link is external)) ; Alors,
d'un côté, on entend un discours politique qui privilégie le maintien
du devenir de la ruralité et d'un autre côté, il y a des décisions
unilatérales de hauts fonctionnaires à connotations technocratiques !". Pour le Président du Pays de Guingamp, "il
y a là un discours politique contrefait par un certain nombre de gens,
énarques ou pas, qui de Bercy, décident de la façon la plus unilatérale
d'un certain nombre de choses, dénoncées dès le lendemain par des
secrétaires d'état ou des ministres qui viennent défendre la ruralité". Il en veut pour preuve le fait "qu'aujourd'hui
la France se « métropolise » de façon inéluctable, alors que justement,
la loi du 27 de janvier 2014, a créé des pôles d'équilibre territoriaux
et ruraux". Pour l'édile de Squiffiec, "ça
n'a aucun intérêt ! C'est de l'incohérence entre le discours politique
et un processus technocratique qui nous interrogent, nous irritent, et
contre cela, on s'élèvera de la façon la plus ferme qui soit".
Son troisième argument, c'est le respect de l'esprit Républicain de la France ; "La fierté de la France, c'est d'avoir créé ce service public" et il illustre sa pensée par une anecdote : "j'ai
passé ma journée en tant que juré de concours à Saint-Brieuc et quand
on demande aux personnes présentes, qu'elle est leur définition du
service public dans lequel ils souhaitent entrer, la réponse est : parce
qu'on est à disposition des gens et que l'on n'a pas la notion de
productivisme et de rentabilité", puis de conclure, enflammé : "Voilà
ce qu'étaient les réponses… et c'est ça le service public ! Or, il est
clair que nous ne serons jamais sur les mêmes critères d'appréciation si
aujourd'hui, au nom de ces principes républicains, on fait du service
public avec des calculettes exclusivement. On perd tout si demain, le
quart d'heure passé par un agent à écouter une brave dame parler de la
maladie de son chien n'est considéré que comme un quart d'heure
improductif. Si on perd cela, la France perd son âme ! Je pense que si
dans les services fiscaux, dans la gendarmerie, dans les écoles rurales -
ce qui fait la substance de la ruralité - tout fout le camp, alors le
discours sur la ruralité n'a plus de sens. Notre engagement, nous,
politiques de base, est de défendre des valeurs qui n'existent et
n'existeront qu'à la condition que le service public soit pérennisé".
Pour Christian Coail, "il faut prendre en compte la dimension rurale"
"C'est toujours les mêmes qui perdent…"
Pour le maire de Bégard : "des économies de bouts de chandelles !"
Dans l'assistance, la question d'un élu de Louargat - "Est-ce
que les services fiscaux vont être capables d'absorber les 93 budgets
du territoire actuellement gérés par la trésorerie de Bégard ?" - fait rebondir Gérard Le Caër : "C'est
une bonne question… 93 budgets… ce sont 40 millions d'euros et 20
millions d'impôts qui sont actuellement gérés par Bégard. Comment
peut-on faire mieux avec moins de monde ?". Il dit s'être renseigné auprès de la trésorerie de Guingamp et on lui a répondu : "on est déjà un peu en apnée !".
Puis, deux tons plus hauts, le maire enchaine sur un discours plus politique : "Cette
politique d'austérité ne va pas arranger le monde dans lequel il fait
encore bon vivre, tant que l'on a encore la possibilité de pouvoir se
rencontrer, d'avoir des échanges, des conseils…". Pour lui, globalement, au-delà de la situation de la trésorerie, ce n'est pas avec la politique actuelle du gouvernement – "que je ne qualifie plus de gauche" - et par ces mesures, que seront réglés le chômage et le problème des jeunes. "On
est à contre-courant de ce que j'avais cru entendre quand j'ai voté
pour un tel gouvernement. Ce sont des économies de bouts de chandelles
et quand on voit ce qui se passe dans l'actualité, on a envie de rigoler
: évasion fiscale, fraude, panama-papers, des milliards et des
milliards d'euros chaque jour blanchis par ceux qui nous gouvernent et
d'autres, et ici on vient nous piquer quelques milliers d'euros pour
dire que cela va aller mieux en gérant nos comptes depuis Guingamp ?!" puis de poursuivre : "Je
ne mets pas Monsieur Halbique dans la boucle ; C'est un fonctionnaire
chargé d'un travail : il faut qu'il ferme des postes et quand il aura
fini ici, il en fermera ailleurs… s'il est bon… mais ça c'est son
problème ! Mais je dis non ! Je ne veux pas ! Et on va faire des actions
! On va se voir à la télé ! Ce n'est pas possible de continuer : 30
fermetures de classes, 30 fermetures de Postes, 30 perceptions qui s'en
vont… qu'est-ce qui va nous rester ? Qu'est-ce qui va faire que les gens
vont rester dans le territoire s'il n'y a plus rien ?".
Stéphane Halbique : "et pourtant, la cohérence est au rendez-vous !"
En réponse aux interventions, Stéphane Halbique
conteste l'incohérence évoquée entre le discours politique et les
processus technocratiques. Il rappelle que les décisions de suppressions
de postes sont prises par le Parlement et qu'après, l'administration, "sous le contrôle des ministres", met en place les mesures. "Certes, vu de Bégard, ajoute-t-il, vous
considérez qu'il n'y a pas de cohérence entre le discours et les
processus technocratiques, mais pourtant, je crains, d'une façon
générale, que malgré tout, elle soit au rendez-vous". Il affirme par ailleurs n'avoir pas dans ses objectifs, "ni moi, ni le Préfet", la constitution d'un réseau des finances publiques calé sur le nombre d'intercommunalités. "Huit
structures dans les Côtes d'Armor, ce n'est pas raisonnable… Ça se
saurait ! En revanche, il y a un effet induit : lorsque deux Communautés
de Communes gérées par la perception de Bégard sont reprises sur
Guingamp, forcément le travail fait à Bégard se traduit par des emplois ;
C'est un peu moins d''un emploi qui était consacré à gérer ces deux
Communautés de Communes. L'emploi sera donc transféré sur Guingamp", puis de confirmer : "La trésorerie de Callac, à ce jour, est maintenue !" À ce jour… CQFD !
"Ça va sentir le Sapin !"
"De
plus, on entend mettre ici sur Bégard, des banderoles pour annoncer à
la population un projet imminent de fermeture d'un service au public, propose le maire, et pourquoi pas manifester ?". Il
pense judicieux de créer un collectif avec les autres communes, les
autres perceptions impliquées dans le même capharnaüm technocratique. "Et
après, pourquoi pas une pétition publique ? Et puis, on a des moyens
techniques dans nos communes… on a des camions, des tracteurs et on peut
aller bloquer le centre des impôts de Saint-Brieuc. On peut montrer que
l'on tient à rester debout et ne pas subir tous les six mois, des
menaces de fermeture de ceci ou de cela. Si les choses se passent mal,
je propose de faire un bazar dans les médias nationaux…" et de conclure sur un trait d'humour, noir en la circonstance mais qui ne manque pas de sève : "On rentre en période électorale… et ça va sentir le Sapin !". Promis… le printemps sera chaud ! Vous en aurez en tout cas la Perception (!).