vendredi 1 mars 2019

TRISLALIA

LE TELEGRAMME


Me Lafforgue (au centre), l’avocat de Claude Le Guyader (à gauche) et Pascal Brigant (à droite), deux anciens salariés de Nutréa, réclame pour chacun de ses clients des indemnités supérieures à 70 000 €.
Me Lafforgue (au centre), l’avocat de Claude Le Guyader (à gauche) et Pascal Brigant (à droite), deux anciens salariés de Nutréa, réclame pour chacun de ses clients des indemnités supérieures à 70 000 €. (Le Télégramme/Julien Vaillant)

Selon Nutréa, leur ancien employeur, il n’y a pas de lien entre la maladie qui leur gâche l’existence et leur travail. Mais pour Pascal Brigant et Claude Le Guyader, les pesticides utilisés pour traiter les céréales dans l’usine de Plouisy les ont empoisonnés. Ce jeudi, le conseil des prud’hommes de Guingamp a examiné leur situation.

« Ma vie est cramée. Je n’ai plus de maison, je touche 200 € par mois. J’ai tout perdu » explose Claude Le Guyader. 16 h, ce jeudi, dans la bibliothèque du palais de justice de Guingamp. Dans la minuscule salle d’audience, une vingtaine de militants anti-pesticides se sont entassés derrière deux hommes : Claude Le Guyader et Pascal Brigant. Depuis presque deux heures, le conseil des prud’hommes de Guingamp se penche sur les licenciements pour inaptitude de ces anciens salariés de l’usine de Plouisy Nutréa (filiale de Triskalia spécialisée dans les aliments pour animaux).
Et à cet instant, ce qui révolte Pascal Le Guyader, c’est d’entendre Me Gervais, l’avocat de son ancien employeur, contester son exposition aux pesticides. Des produits phytosanitaires qui, selon les deux plaignants et leur conseil Me Lafforgue, ont longtemps saturé l’atmosphère du site de Plouisy.

Les pigeons disparaissent de l’usine


« En 2008, afin de faire des économies, l’entreprise a renoncé à ventiler ses silos de céréales, préférant utiliser des pesticides pour lutter contre le développement des insectes », énonce l’avocat, qui s’attarde ensuite sur deux accidents survenus en 2009 et 2010. Le premier dû à l’utilisation du Nuvan Total, un neurotoxique cancérigène interdit. Le second causé par un surdosage au Nuvagrain. « Les céréales étaient gorgées d’insecticide », relate Me Lafforgue.
D’après l’avocat, les effets de ces deux « contaminations majeures » sont alors immédiats. Les pigeons, qui proliféraient à l’époque par centaines, disparaissent soudainement du site. Quant à certains éleveurs livrés en céréales par Nutréa, ils se plaignent « de vomissement, d’avortement et même de cannibalisme » dans leur cheptel.

Pertes de mémoire et brûlures


Les salariés, eux, tombent malades. Une douzaine aurait été intoxiquée selon l’avocat. Quatre d’entre eux déclarent une maladie appelée l’hypersensibilité aux produits chimiques. Laurent Guilloux, Stéphane Rouxel, Pascal Brigant et Claude Le Guyader souffrent de maux de tête, de pertes de mémoire, de brûlures aux yeux ou au cuir chevelu en présence de n’importe quel produit chimique. Tous sont ensuite successivement licenciés pour inaptitude.
Du côté de Nutréa, les deux accidents de 2009 et 2010 ne sont pas contestés, mais l’entreprise ne reconnaît aujourd’hui que deux victimes : Laurent Guilloux et Stéphane Rouxel. Eux seuls ont, pour le moment, obtenu la condamnation de leur ancien employeur, à la fois devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) de Saint-Brieuc et devant le conseil des prud’hommes de Lorient.

Décision le 26 juin


Mais pour Me Gervais, l’avocat de l’entreprise spécialisée dans l’alimentation animale, Claude Le Guyader et Pascal Brigant « ne sont pas concernés par ces accidents », car « il n’y a pas eu, à l’époque, de déclaration d’accident du travail ». Le conseil de Nutréa insiste aussi sur le fait que quatre juridictions spécialisées ont établi qu’il n’y avait pas de lien entre la maladie de Pascal Brigant et son travail. « Nous étions dans une impasse, contraints de licenciés », ajoute Me Gervais, qui rappelle que l’entreprise a fait deux propositions de reclassement à ce dernier, l’une et l’autre refusées.
Un discours qui révolte les deux anciens salariés. « À l’époque, Il n’y avait pas de direction sur le site. Nous étions livrés à nous-mêmes. C’était n’importe quoi », dénonce Pascal Brigant. « La teneur en produits phytosanitaires était telle, qu’il aurait fallu se protéger avec des masques avec cartouche à charbon. Mais nous n’avions que des masques en papier à disposition », conclut Claude Le Guyader. Tous deux attendent désormais le 26 juin pour connaître la décision des conseillers prud’homaux guingampais.


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