Ratio soignants-patients à l’hôpital : sans moyens, du pur affichage
- Publication le 8 février 202
Une loi vient d’être votée, qui prévoit l’instauration progressive d’un ratio minimal de soignants par patients dans les hôpitaux. Dans un contexte de sous-effectif imposé par les directions hospitalières et où la surcharge de travail se fait durement sentir, le texte pourrait être perçu comme une avancée salutaire. Pourtant, il est difficile de parler de victoire.
Crise de « vocation » ou sous-effectif organisé ?
Parmi les soignants, le ras-le-bol est bien réel : manque de reconnaissance, services surchargés, embauches au compte-goutte et rémunérations rognées par l’inflation. Entre 2020 et 2022, le nombre de postes vacants est passé de 10 000 à 60 000 dans les hôpitaux. Mais ce sont les gouvernants qui portent l’entière responsabilité de la fameuse crise des « vocations », derrière laquelle ils se cachent pour ne pas embaucher. Ce sont eux qui organisent ces conditions de travail infernales, eux qui retirent les budgets qui permettraient d’embaucher, eux qui organisent la stagnation des effectifs d’étudiants en soins infirmiers et trop souvent freinent les titularisations. Dans ce contexte, des voix se sont élevées pour imposer un ratio minimum de soignants par patient dans les services. De quoi encourager le retour des infirmières démissionnaires ou intérimaires vers l’hôpital ?
Une loi inefficace sans les moyens nécessaires
Première limite et non des moindres ; le manque de moyens de l’hôpital et la pression du ministère de la Santé pour rétablir l’équilibre des comptes artificiellement mis en « déficit » : à hauteur de 3,5 milliards d’euros en 2024, ce sont plus de 1300 hôpitaux qui doivent se serrer la ceinture. Sans moyens supplémentaires, difficile d’imaginer que ces ratios inciteront demain à embaucher davantage.
D’autant qu’ils ne seront pas obligatoires, contrairement à ceux qui existent déjà dans les services critiques – comme la réanimation, où le ratio impose deux infirmières pour cinq patients et une aide-soignante pour quatre. Mais même dans ces services, ces ratios sont très insuffisants et leur respect justifie en réalité le tri des patients et l’embauche de contrats précaires comme les CDD dits « épiver » (pour « épidémie hivernale ») afin de colmater les trous. Avec la loi, rien n’oblige à faire respecter les ratios. Pire, s’ils sont appliqués à moyens constants, le plus probable est que des lits soient fermés pour rester dans les clous.
Sans augmentation massive du budget des hôpitaux, qui diminue tous les ans, et avec l’État qui se désengage chaque jour au profit du secteur privé, aucune mesure d’affichage ne permettra d’améliorer le système de santé. Prétendre le contraire est un mensonge, que les soignants n’ont de cesse de dénoncer.
Célian Oswald et Emma Martin