COMMUNIQUE DE PRESSE
Valorisation des algues vertes ou comment sauver le modèle agricole breton ?
Les pouvoirs publics en France et en Bretagne sont dans l’impasse : 15 ans de Plan Algues Vertes butent sur le seuil infranchissable de 25 à 30 mg/l de nitrates dans les rivières. Faute de remettre en cause le modèle agricole breton avec ses élevages hors sols et la culture associée qu’est le maïs, ils font la preuve de leur inadaptation à la lutte contre les algues vertes et à l’exigence d’excédents d’azote dans les rivières ne dépassant pas les 10 mg/l de nitrates nécessaires pour leur éradication.
Mission flash est alors confiée au député Cosson pour sortir de l’impasse. Puisque les mesures adoptées n’étaient pas les bonnes, ce que nos associations avaient déjà dit dès 2010, on était en droit d’attendre qu’on en change au profit d’une désintensification de l’agriculture avec réduction du cheptel et choix de cultures non-polluantes. Mais il faut sauver le modèle agricole breton et pousser les feux de l’augmentation du nombre de têtes animales en amont des baies à algues vertes. Pas question d’ébranler ce dogme fondateur de la Bretagne moderne, même sur 7,5 % de la surface cultivée en Bretagne correspondant à l’amont des huit baies algues vertes, objet de plans du même nom.
Charge alors au député Cosson de faire diversion. Rien de plus simple que de ressortir des vieux cartons la valorisation. Idée présentée comme géniale alors qu’elle est d’abord fantaisiste. Géniale parce que, ce qui est un déchet toxique, tuant êtres humains et biodiversité, devient d’un coup de baguette magique un trésor que la Bretagne n’a pas su ou même pu exploiter au mieux.
Et cerise sur le gâteau, grâce à cette valorisation on ne développe pas seulement une filière économique, on puise les algues en mer pour n’avoir pas à les ramasser sur les côtes. Et d’affirmer que les moyens existent. N’existe-t-il pas déjà un bateau suceur capable d’avaler goulûment 10 tonnes d’algues par jour ? Silence est fait sur les déboires des premières expérimentations. Admettons que cela marche et que le bateau soit à l’œuvre la moitié de l’année, ce qui est un créneau particulièrement large compte tenu de la présence des stocks en mer et des conditions météorologiques incertaines. Total des algues ainsi soustraites au milieu de 1830 tonnes. A comparer avec les 20 000 à 50 000 tonnes échouées par an sur nos côtes… Ce seraient donc 11 bateaux au moins nécessaires pour éviter l’échouages sur nos côtes de 20 000 tonnes d’algues vertes. Les années à 50 000 tonnes, c’est une armada de 27 navires de combat à aligner sur le front !
Et à 600 000 euros l’unité, ce sont 16,200 millions d’euros immobilisés, sans compter les frais de fonctionnement et de maintenance… Répétons-le : tel est le scénario le plus optimiste qui imagine qu’il fasse beau les 183 jours et qu’aucun navire de combat ne sombre ou tout simplement ne tombe en panne.
Peut-être conscient de ces moyens limités, Monsieur le député triple la mise ! Il imagine un projet de bateaux plus gros trois fois plus efficaces mais à 1,3 millions l’unité. Pour 50 000 tonnes, l’armada bretonne se composera encore de 9 navires. Quel port pourra alors les accueillir ? Qui paiera ? Quel délai pour leur construction ? Ces questions ne sont pas au programme de la mission flash.
La filière pêche est aussi envisagée. Mais avec quels moyens ? Et la tâche s’avère ardue quand n’importe quel pêcheur plaisancier déjà et donc à plus forte raison les professionnels savent combien les algues vertes sont plus une calamité qu’une chance dans leurs filets tant leur masse compacte les alourdit et les endommage pour un gain qui reste à démontrer.
Lors de la présentation à l’Assemblée Nationale, ces petits calculs d’épicier n’étaient pas de mise. Ils auraient fait tâche sur le beau mythe de la valorisation des algues vertes qui serait une chance pour la Bretagne. A revenir au réel, on ne fait pas rêver le bon peuple !
A Rome jadis, on lui offrait du pain et des jeux. Aujourd’hui Monsieur le député Cosson y ajoute en prime une mystification.
Voilà ce qui arrive depuis 55 ans en Bretagne. A force de s’enfermer dans le dogme intangible du modèle agricole breton, on en est réduit à produire de telles fadaises. Quelle est l’équation que Monsieur Cosson prétend résoudre ?
Les algues vertes sont une ressource à valoriser. Donc, il faut en produire. A l’inverse, il faut tout faire pour les éradiquer parce qu’elles sont toxiques. Il en conclut que ces deux propositions contraires ne s’excluent pas l’une l’autre. Chacune et chacun peut juger de la validité d’un tel raisonnement.
Variante de ce scénario : tant que l’on n’a pas éradiqué les algues vertes, on peut les valoriser. Donc, il faut créer une filière économique adéquate. C’est inventer une concurrence entre celles et ceux qui veulent en finir et celles et ceux qui veulent en produire, avec des objectifs opposés. Qui tranchera ce différend ? Si c’est, le plus probable, la loi du marché comme pour l’élaboration des Plans Algues Vertes, c’est la production et même l’augmentation de la ressource qui l’emporteront au motif qu’il faut rentabiliser les investissements réalisés et préserver les emplois créés. C’est donc s’assurer que le combat contre les algues vertes est perdu d’avance. A travers cette concurrence n’est-ce pas d’ailleurs ce qui est recherché ? Sauf à croire que Monsieur le député Cosson envisage la nationalisation des biens de production des algues vertes pour mieux la contrôler et l’arrêter quand lui et ses amis politiques le décideront. Très peu probable toutefois qu’il soit un adepte de l’économie socialiste planifiée… Ce scénario est plus cohérent que le précédent mais chacune et chacun peut juger de son cynisme.
Nul ne pourra dire qu’il est pris la main dans le sac de la production pérenne des algues vertes, puisqu’il aura laissé la loi du marché décider…
Ce n’est même pas la quadrature du cercle, c’est le zéro pointé pour une copie que seules deux députées LFI et Verts ont dénoncé lors de cette audience au Parlement. Voilà de quoi rendre inquie(te)s les citoyennes et les citoyens sur la qualité de leur représentation à l’Assemblée Nationale…
Comment mieux dire que le seul pragmatisme qui vaille, c’est mettre ces millions pour désendetter les exploitants et les aider à créer de nouvelles filières non polluantes comme la luzerne pour le bétail, le lin et le chanvre pour l’alimentation et l’industrie. L’avenir de la Bretagne n’est pas d’être encore et toujours la poubelle de la France en recevant 60 % de son lisier. Il est dans le changement de modèle agricole qui seul permettra d’en finir avec les algues vertes et les pesticides tout aussi toxiques. L’honneur d’être bretonne et breton, c’est de réparer notre terre, nos rivières, nos rivages, nos paysages, pas de les souiller.
Pour Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre : Yves-Marie Le Lay, président.
Contacts : lavarenn@yahoo.fr 06 12 74 34 56
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