jeudi 29 décembre 2022

 


OUEST FRANCE

Dans une malle, il trouve de quoi remonter le fil d’une histoire oubliée depuis 150 ans à Brest


Plus de 10 000 hommes ont été détenus dans des conditions abominables sur des bateaux de
la rade de Brest entre 1871 et 1872. Des « insurgés » de la Commune de Paris. 150 ans plus
tard, retour sur l’épisode brestois qui était tombé dans l’oubli.
Il y a trois ans, Thierry de Bresson découvre une malle dans un grenier familial en Anjou.
Une malle qui contient un trésor : de nombreux documents historiques dont des « ordres »
qui illustrent une histoire tombée dans l’oubli. L’histoire de milliers d’hommes, arrêtés juste
après la « semaine sanglante » de mai 1871 (qui désigne l’épisode final de la Commune de
Paris), détenus sur des bateaux, au mouillage à Brest, pendant près de neuf mois. Des
documents conservés par son arrière-grand-père.
Le soir même, les questions tournent dans sa tête : « Qu’est-ce que ces documents
représentent exactement ? Qu’a fait cet aïeul ? Jamais il n’avait parlé de ça ! » C’est le
début de plusieurs mois d’enquête qu’il va mener avec un ami, Stéphane Gatti. « On s’est
rendu compte que de nombreux livres sortaient régulièrement sur la Commune, mais
qu’il y avait presqu’aucune information sur l’épisode brestois. »
Du pain et des biscuits pour repas
Ils remontent alors le fil d’une histoire traumatisante. « Mon aïeul était fourrier, c’est-à-
dire secrétaire militaire, explique Thierry de Brisson. En 1871, il s’est retrouvé  à 
s’occuper de ces détenus dans des conditions épouvantables. Mais il n’avait pas fait ce
métier pour ça. D’ailleurs il a démissionné et détruit toutes les lettres qui abordaient ce
sujet dans toutes celles qu’il a conservées. »
En plus des ordres de missions, donnés par les plus hautes sphères parisiennes aux
responsables des détenus, ils ont retrouvé des récits de vie à bord dans de rares livres, édités
quelques années après la période de détention.
« Bien que nous manquions de nourriture, on met dans chaque batterie un sac pour
recevoir notre superflu avec cette inscription « Pour les petites sœurs des pauvres ».
Comme elle le méritait, cette réclame fut raillée et prise comme une injure à notre
misère » raconte Théodore Ozeré, détenu sur le navire l’Yonne.
150 enfants détenus
« Plus de 10 000 hommes, dont 150 enfants ont été détenus sur douze bateaux, en
mouillage pendant près de neuf mois au niveau du Fret et de Roscanvel, résument les
deux enquêteurs qui connaissent les récits par cœur. Ils vivaient enfermés dans les
batteries, sans voir la lumière du jour avec, comme nourriture cinq jours par semaine,
seulement un peu de biscuit et de pain. Tout ça alors qu’ils qu’ils n’étaient (peut-être)
pas communards, ils avaient juste été pris dans la rafle. »
Exposition à Brest
Après des mois d’instruction, plus ou moins sérieuse, plus de 7 000 personnes sont libérées.
Les autres sont condamnées. La plupart iront au bagne, en Nouvelle-Calédonie. « On avait
aucun document sur cette histoire, indique Chantal Rio, responsable des archives de
Brest. Quand ils sont venus nous proposer leurs documents il y a plus d’un a, ils nous
ont embarqués dans cette aventure. »
150 ans après la Commune de Paris, il est désormais possible de découvrir ses répercussions
sur Brest à l’occasion de deux expositions qui dévoilent l’histoire de cette prison dans la
rade.
Une exposition de 18 panneaux est présentée sur le Jardin de l’Académie de Marine (près
du Château), et une autre présentant les originaux des documents aux archives de brest
(1 rue Jean Foucher) jusqu’au 20 décembre.
Ouest-France du 22 octobre 2022