samedi 1 mars 2025

apprentis

 

Aides à l’apprentissage : l’exploitation subventionnée

Les patrons respirent : les aides « exceptionnelles » à l’apprentissage sont maintenues en 2025. Certes, elles baissent, mais en ces temps d’économies budgétaires tous azimuts, elles ont été relativement épargnées… alors même que la plupart des apprentis majeurs vont devoir s’acquitter de la CSG !

L’apprentissage a atteint des proportions qui n’ont plus rien à voir avec la place qu’il occupait en France des années 1970 jusqu’au début de ce siècle, mais beaucoup à voir avec la volonté de l’État d’évacuer une partie du public des lycées professionnels vers l’apprentissage… et d’offrir une main-d’œuvre moins chère au patronat. Depuis 2018, et surtout depuis 2020 et la mise en place de ces aides « exceptionnelles », l’apprentissage a connu une véritable explosion (on compte aujourd’hui 800 000 apprentis contre 300 000 il y a dix ans). Et pour cause : en pleine crise du Covid, les subventions à l’apprentissage ont représenté un des moyens d’arroser les patrons. Les petits bien sûr, qui emploient encore près de la moitié des apprentis1, mais aussi le grand patronat, dont la part dans les contrats d’apprentissage augmente depuis des années, en lien d’ailleurs avec le développement de l’alternance dans le supérieur, devenu aujourd’hui majoritaire.

Ces aides ne récompensent pas des patrons-formateurs (pour ceux qui forment, car dans certains cas les jeunes ne voient en entreprise qu’une petite facette de leur métier). Elles sont là pour subventionner les employeurs qui embauchent des travailleurs encore en étude. Elles s’ajoutent en fait à d’autres dispositifs qui placent les apprentis dans un véritable régime d’exception salariale. Leurs salaires sont exonérés de cotisations sociales et, surtout, atteignent des niveaux ridicules : 486 euros pour un apprenti mineur en première année… 27 % du Smic ! Certes, l’apprenti doit se rendre au centre de formation, au minimum un quart de son temps2. Mais un quart de salaire contre trois quarts de présence en entreprise… les comptes ne tombent pas juste !

Moins payés, les apprentis travaillent souvent comme leurs collègues plus âgés, et parfois même dans des conditions pires qu’eux, les patrons profitant de leur jeune âge pour leur faire accepter tout et n’importe quoi.

Scrupuleux quand il s’agit de toucher les subventions, ces derniers le sont beaucoup moins quand il faut observer les règles spécifiques au travail des apprentis. Il arrive que des travailleurs mineurs empilent les heures supplémentaires au-delà du maximum de cinq heures par semaine, terminent à minuit quand ils devraient s’arrêter à 22 heures et ne profitent que d’un jour de repos consécutif par semaine (quand ils travaillent le samedi), voire enchainent carrément des semaines de dix jours (quand ils travaillent le week-end en entreprise, par exemple dans un restaurant, puis la semaine au centre de formation).

« C’est le métier qui rentre » penseront les patrons qui n’infligeraient pas ce traitement à leurs propres enfants (ou seulement dans le but de leur transmettre l’affaire familiale)… Mais à y faire face, un autre aspect du métier de prolétaire pourrait finir par rentrer : la protestation collective !

Bastien Thomas

 

 

1  46 % des apprentis sont dans des entreprises de moins de neuf salariés alors que celles-ci n’emploient que le quart de la population active.

2  Les seuils minimaux sont de 800 heures pour un CAP en deux ans (23 semaines) et de 1850 heures pour un bac pro en trois ans (53 semaines).