lundi 10 février 2020

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Hôpital : de la désobéissance à la grève des soins


Depuis près d’un an, les hospitalièrEs alertent les autorités et la population : l’hôpital public est en danger. La colère portée par la grève des urgences, étouffée en Île-de-France par des concessions rémunératrices et l’octroi d’effectifs supplémentaires, a rebondi avec l’entrée en lutte du corps médical qui a repris mot pour mot les revendications du Collectif inter-urgences.  

Salaires, effectifs, réouvertures des lits fermés, mode de financement et démocratie sanitaire sont au cœur du mouvement qui voit aujourd’hui des centaines de chefEs de services démissionner. « Nous allons au devant d’une crise sanitaire majeure », affirment aujourd’hui les représentantEs de la communauté médicale de l’Assistance publique - hôpitaux de Paris, qui interpellent les candidatEs aux élections municipales.
Journée « Hôpital mort »
« Le plan d’urgence » Buzyn-Philippe obtenu par la mobilisation nationale du 14 novembre, qui a mis dans la rue les personnels hospitaliers, venus à Paris par milliers, est très loin de répondre aux exigences des contestataires qui ne désarment pas. Le 17 décembre, une délégation du Collectif inter-hôpitaux, qui mène la fronde, se heurte de nouveau au silence de la ministre de la Santé, et décide, fait inédit, de mettre à exécution la menace de démissionner de leurs fonctions de chefEs de services. Depuis la fin du mois de janvier, de Rennes à Annecy, de Toulouse à Saint-Denis, de Marseille à Caen, de Niort à Pau, sans oublier Paris, les médecins sont plus d’un millier à déposer, sur le bureau des directions d’établissements, leurs démissions de toute tâche administrative, et appellent à descendre dans la rue le vendredi 14 février, pour une journée « Hôpital mort », seuls les soins urgents étant dispensés.
Pour le Collectif inter-hôpitaux, « la dégradation des conditions de travail des professionnels est telle qu'elle remet en cause la qualité des soins ». Et en écho, la DREES, un organisme placé sous l’autorité de Mme Buzyn, établit que « les établissements de santé sont l’un des secteurs où les salariéEs ont le plus recours aux arrêts maladie […] ; l’exposition aux contraintes physiques […], les contraintes psycho-sociales et les exigences émotionnelles en particulier constituent des déterminants importants de recours aux arrêts maladie ».
L’épidémie du coronavirus sévit en Asie et touche la France. Seul l’hôpital est à même d’y faire face, mais en aura-t-il les moyens si la situation s’aggrave ?
« Des pans entiers de l'activité hospitalière s’effondrent »
« L'hôpital public est exsangue et n'est plus capable d'assurer son rôle de service public, mettant en cause l'égalité d'accès, d'accueil et une prise en charge de qualité sur tout le territoire. Aujourd'hui, des pans entiers de l'activité hospitalière et des établissements de santé et de l'Action Sociale s'effondrent et les réponses du gouvernement ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux », estiment l'Association des médecins urgentistes de France Amuf, Action praticiens hôpital APH, la CFE-CGC, la CFDT, la CGT, le collectif inter-blocs, le Printemps de la psychiatrie, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Sud et l'Unsa qui se mobiliseront ce vendredi avec les Collectifs inter-urgences et inter-hôpitaux.
Aujourd’hui, des Collectifs sont à la pointe de la lutte des hospitalierEs, les syndicats étant affaiblis par des défaites successives, mais la mobilisation en cours contre la réforme des retraites jette une ombre au tableau. Après des années de « composition » avec les autorités sanitaires, la plupart des médecins aujourd’hui engagés par leur acte de désobéissance, ont tourné le dos à cette lutte qui concerne l’avenir de l’ensemble des agents de l’hôpital public. Perdre la reconnaissance de la pénibilité des métiers et travailler plus longtemps pour des retraites de misère n’est pas de nature à améliorer les conditions de travail, ni à favoriser le recrutement de professionnelEs qui devient de plus en plus difficile. Fort heureusement des initiatives interprofessionnelles se déploient, comme la chaîne humaine qui a entouré l’hôpital pédiatrique Robert-Debré à Paris. Plus de 600 personnes ont participé à cette action, qui a aussi mobilisé les habitantEs des quartiers alentour. À Tours, à Caen, l’interpro fait aussi le lien et se mobilisera le 14 février.
Faire céder Macron et sauver l’hôpital exigera un niveau supérieur de mobilisation. L’idée de la grève des soins non urgents, inacceptable hier encore par les soignantEs, fait son chemin dans les esprits, et semble la seule voie à suivre pour briser le garrot qui étrangle le service public de santé et celles et ceux qui le font vivre. 
CorrespondantEs